La Machinerie : le tiers-lieu pédagogique de Grenoble pour la médiation de quartier et l’apprentissage

Avec la Machinerie de la Régie de quartier, les habitants de Villeneuve, Village Olympique et Vigny Musset ont désormais un tiers-lieu, concentrant les services de médiation de l’association, une boutique, un café et de nombreux ateliers.

Pourquoi ?

À l’origine, la Régie de quartier Villeneuve-Village Olympique-Vigny Musset souhaitait un relais commun à ces trois quartiers, pour mieux rencontrer les habitants et faciliter leur quotidien. En 2021, cette volonté s’est concrétisée avec la Machinerie, un projet de tiers-lieu intervenant dans le cadre du Programme National de Renouvellement Urbain. La ville s’est ainsi dotée d’un nouveau bâtiment pour accueillir les habitants de ces quartiers prioritaires, mais qui présente aussi la particularité de dispenser un grand nombre d’ateliers techniques. Les habitants viennent ainsi découvrir ou apprendre l’informatique, la couture, le bricolage…

Comment ?

Au gré des appels à projets remportés et des autres ressources mobilisées, La Machinerie a construit un cybercafé et une boutique de seconde main, qui emploie des habitants et valorise des vieux vêtements, meubles ou objets. La Régie a souhaité investir de plus  en plus de thématiques importantes pour les habitants, afin de pérenniser ce succès, et a donc placé au cœur de sa mission la construction, le recyclage, le fait-maison et le réemploi.

Pour le moment, une grosse partie de son budget provient du chiffre d’affaires, grâce à certains services rentabilisés. Bien entendu, ces services, par leur nature, génèrent certaines ressources, mais pas de plus-value. Tout est réinjecté pour faire tourner la Machinerie, ses activités et les emplois ainsi pourvus. Une autre partie de ce fonctionnement est aussi financée grâce à des prestations délivrées en externe, comme la location des locaux de la Régie, le teambuilding

Quel bilan ? 

Aujourd’hui, la Machinerie est à la fois un atelier de bricolage, un Fab Lab (laboratoire de fabrication), un espace de médiation, une boutique “Le Pêle-Mêle” pour le don et achat, et bientôt un Repair Café. 

En somme, elle est devenue un lieu de partage des savoirs et de formation, tout en continuant d’accueillir les services de médiation propres à la nature de la Régie de quartier, qui y recueille les besoins de la population autour de différentes thématiques. Largement fréquentée aujourd’hui, la Machinerie rencontre des publics variés qui, ensemble, mobilisent leurs ressources et savoirs, et participent à l’activité économique des trois quartiers.

Le projet en photos

 

 

L’interview de Mme Chloé Pantel, maire-adjointe du secteur 6 de la Ville de Grenoble, et M. Nicolas Duport, président de la Régie de quartier Villeneuve-Village Olympique.

1. Comment avez-vous favorisé l’essor, au fil des années, des activités de la Machinerie ?

Mme Pantel : J’ai personnellement été élue en 2020, à l’époque où le bâtiment était en fin de construction. Un parking avait été détruit puis remplacé par un autre parking-silo, dont le rez-de-chaussée pourrait abriter des activités. Il y avait une vraie volonté de se retrouver dans un tiers-lieu qui serait au service des habitants. Ainsi, le système de dons ou de petits prix mis en œuvre, pour la boutique de seconde main et pour les ateliers, a permis de financer des emplois et la diversification des activités au fil du temps.

Nous nous sommes aussi appuyés sur les initiatives habitantes. La régie met en lien des actions selon les besoins détectés, grâce aux temps de conciergerie proposés. Entre ces initiatives et la vie associative, d’autant plus que le CA de la Régie est composé d’habitants du quartier, la Machinerie est très fertile en activités. Je repense par exemple à une association qui travaillait sur l’hygiène féminine, et qui avait demandé à la Machinerie d’accueillir un atelier de création de serviettes réutilisables, en utilisant du matériel de couture. Dans le même temps, cela permettait de dénouer les tabous autour des menstruations. Nous avons aussi pu accueillir des initiatives ayant trait à la gestion des déchets et de l’espace public, avec par exemple le déploiement de déchetteries mobiles.

M. Duport : Oui, en effet, l’idée d’une conciergerie de quartier avait déjà émergé vers 2015, dans le cadre de la réponse à un appel à projets lié au PNRU (Programme National de Renouvellement Urbain). En 2018, nous avons recruté une chargée de projet pour finaliser le travail de la Régie, mais un autre appel à projets sur les Fabriques Numériques de Territoires nous a conduit à croiser ce projet avec celui d’un tiers-lieu numérique.

2. Vu les nombreux ateliers proposés, entendez-vous vous focaliser exclusivement sur l’axe numérique, à terme ?

Mme Pantel : Alors, en effet, la partie tournée vers l’accès au numérique a en effet beaucoup progressé et entend continuer de progresser : les différents ateliers mettent aujourd’hui à disposition des ordinateurs, mais aussi des machines de grande qualité pour apprendre des choses plus poussées, les habitants font de l’impression numérique, de l’impression 3D…

M. Duport : En fait, à la base, cet axe s’est développé au gré des appels à projets remportés, mais c’est à force d’étudier le projet que nous nous sommes réellement rendus compte de l’immensité du besoin. Les permanences sont pleines, ce qui se comprend d’autant plus à l’ère de la dématérialisation de tous les services et des difficultés qu’elle entraîne. Plus généralement, certaines compétences ne vont pas de soi pour tout le monde, les séniors sont très touchés par ces disparités. Aussi nous assistons sur les démarches administratives, la création de boîtes mail mais aussi la réalisation de CVs, ce qui nous permet de travailler l’insertion et l’emploi. Le numérique est resté un axe central de ce projet car les conséquences d’une fracture numérique sur d’autres aspects du quotidien, comme le cadre de vie, l’économie ou même la santé, sont lourdes. Il s’agit de combler certaines lacunes numériques, mais aussi de proposer des activités qui sortent un peu de l’ordinaire et qui proposent un panel de compétences variées.

Par exemple, il y a peu, nous avons fait une séance “borne d’arcades”, durant laquelle des jeunes ont pu fabriquer une borne arcade de A à Z, de la fabrication du caisson à la programmation en passant par la pose de l’écran. Et de la sorte, nous favorisons aussi l’essor de compétences professionnelles réemployables, car les gens qui viennent aux ateliers se rendent compte de leurs ressources et de leurs talents, ce qui s’inscrit dans la philosophie de notre association.

Mais au-delà du simple numérique, la multiplicité des usages de la Machinerie en fait la force, et permet au projet de se tourner vers plusieurs quartiers à la fois, permettant d’englober davantage d’enjeux et d’habitants.

Mme Pantel : Je pense aussi que la largesse de ce projet est ce qui fait qu’il fonctionne, une réussite également aidée par le cadre accueillant du lieu et son café.

M. Duport : Et ainsi, la Machinerie peut au fil du temps, au-delà du numérique, proposer plusieurs solutions à certains besoins, qui ne relèvent pas exclusivement du numérique. Celles-ci consistent généralement en la mise en place d’ateliers ou de cours pour favoriser l’émancipation des habitants dans la réponse à leurs besoins, par exemple au Fab Lab ou au Repair Café. Le partage des savoirs se fait soit de manière descendante, grâce aux médiateurs et aux relais associatifs, soit directement entre les habitants. Dans les deux cas, on observe un véritable transfert de connaissances sur des thématiques comme le bricolage ou le développement durable…

3. Vous dites que le projet fonctionne bien. Comment mesurez-vous et expliquez-vous cette réussite ?

Mme Pantel : De ce que je constate, le bouche à oreille a très bien fonctionné pour populariser le lieu. La Machinerie fonctionne aussi du fait de sa localisation avantageuse : située entre deux arrêts de tramway, elle est visible le long de la ligne du tram, entre la Villeneuve et le Village Olympique. Et surtout, auparavant, nous étions principalement implanté dans la Villeneuve. C’est ce bâtiment qui nous a permis de mieux connaître et toucher les deux autres quartiers. Beaucoup d’évènements ont aussi été organisés pour communiquer davantage autour du tiers-lieu et de ses activités et aller vers les habitants, par exemple des actions conjointes avec la MJC ou la Maison des Habitants.

Nous pouvons par ailleurs nous réjouir d’un public très mixte, quand bien même l’atelier couture déroge un peu à ce constat [rires]. Néanmoins nous espérons surtout, à terme, voir les différentes tranches d’âge se mélanger davantage entre elles, et voir la participation des plus jeunes croître encore.

M. Duport : Le projet a non seulement remporté l’adhésion des habitants, démontrable par la fréquentation du tiers-lieu, mais aussi par la présence de nouveaux bénévoles, issus du territoire, ce que nous avons trouvé très congratulant. Avec la chargée de développement numérique, le médiateur numérique, le Fabmanager et les salariés, cela fait tout un monde en activité grâce à la Machinerie ! Nous avons aussi recruté différents types de contrats aidés, visant les publics de quartiers prioritaires de la politique de la ville, comme deux contrats adulte-relais (une forme d’insertion sur le long-terme, favorisant généralement le lien entre les habitants et les services publics). La régie remplit donc sa mission d’origine, à savoir avant tout d’être une association de quartier, facilitant le quotidien des habitants. 

Nous nous félicitons enfin de la montée de clientèle dans la boutique de seconde main, ainsi que de la progression en qualité des dons. Ce qu’on réalisait au départ en une année, en termes de récupération des dons et de ventes, on le fait en un mois ! À l’origine, nous craignions que le lieu ne trouve pas son public, mais ce n’est pas le cas. Il en va de même pour le café, lequel accueille toujours du monde et même des clients récurrents. Mieux encore, le fort progrès du nombre de bénévoles qui nous assistent nous aide à prendre la mesure de l’adhésion au projet.

3. Quels sont vos autres objectifs pour l’avenir ? 

M. Duport : Il s’agit avant tout d’assurer la pérennité de l’existant. Ce qui n’est déjà pas une mince affaire vu l’étendue de nos activités, dans la mesure où nous avons su nous diversifier, entre la médiation sur le développement durable, les conférences professionnelles et les expositions que nous organisons depuis peu. Pour les expositions, il faut savoir qu’elles étaient avant organisées par des associations de quartier, mais leurs locaux ayant été repris, nous avons pris le relais afin d’assurer leur continuité. Et nous assurons bien entendu toujours notre rôle de régie en parallèle, par le biais de la médiation associative.

Arrivant bientôt en fin de financements, nous devons aussi nous concentrer sur comment assurer le fonctionnement effectif de la machinerie au quotidien. Premier pas accompli : nous venons justement de remporter un appel à projets de la métropole, lié aux Zones à Faible Émission, concernant l’accompagnement des habitants dans la transition au changement de moyen de locomotion, à la découverte de l’application M-TAG, à l’apprentissage de l’achat de tickets et d’abonnements sur smartphone etc…

©Crédit photos : Flickr – Ville de Grenoble 

 

Fiche d'identité de la communeLe projet en chiffresPour aller plus loin
  • Nom : Grenoble
  • Département : Isère
  • Région : Auvergne-Rhône-Alpes
  • Population : 158 240 habitants (2020)
  • Maire : Eric Piolle
  • Site internet : Site de la ville
  • 100 salariés dont 33% de femmes
  • En 2019, 45 salariés en CDI et 47 en emplois aidés
  • Une régie de quartier implantée depuis plus de 30 ans sur le territoire
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