Retour sur la rencontre avec Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités

« Contre les inégalités, luttons à armes égales »

Tout l’enjeu de l’Observatoire des inégalités réside dans la production et le partage d’une information statistique indépendante. Au sein du débat public, les données, souvent monopolisées ou tronquées, sont utilisées comme une arme. Dans ce contexte, l’Observatoire entend combler ces lacunes en objectivant les inégalités et en s’adressant prioritairement à ceux qui n’en ont pas connaissance ou qui n’ont pas accès à l’information.

Le « décor planté », Louis Maurin évoque le modèle social français. En se positionnant entre relativisme et dramatisation, la France, avec son niveau de vie médian et son taux de pauvreté, reste un pays où il fait meilleur vivre que dans la plupart des autres pays du monde. Cela dit, la critique sociale se manifeste car des inégalités perdurent, voire s’accentuent depuis 2008 et la crise économique.

Que leurs revenus se situent en-dessous de 50 % ou de 60 % du revenu médian, le nombre de personnes pauvres augmente. Depuis 2008 les courbes sont toutes explicites. Conjointement, les inégalités entre les plus aisés et les plus démunis poursuivent leur hausse et ce, selon un mouvement ayant débuté à partir des années 1990. Ce qui revient à dire que le niveau de vie des Français n’est pas identique : pour 50 % des plus pauvres, il diminue et il stagne et augmente pour les 50 % restants.

Cette envolée par le haut et ce décrochage du bas est en partie le reflet d’un marché du travail en crise depuis 40 ans. Le taux de chômage, en hausse depuis les années 1980, est plus important chez les jeunes, les étrangers, les ouvriers/employés et les moins qualifiés. Ces catégorie sont fortement plus représentées qu’ailleurs ; il n’est donc pas étonnant de constater l’évolution socio-économique des villes de banlieue. Ainsi la crise ne touche pas tout le monde, et il serait faux que chacun se l’approprie.

L’école reste également le lieu où se reflètent les inégalités et où elles se perpétuent. Partant du constat que 14,3 % de la population possède un diplôme supérieur à Bac + 2, l’origine sociale des élèves accédant à des études supérieures se limite en grande partie aux cadres supérieurs et aux professions intermédiaires.
Pour Louis Maurin, l’école avec sa concurrence exacerbée entraîne le malheur pour les plus faibles et la gloire pour les vainqueurs, ce qui au final revient à légitimer les inégalités.

Enfin, Louis Maurin est revenu sur les fractures territoriales et le débat qui anime bon nombre de médias entre une France « périphérique » et une France « métropolisée ». Pour lui, la pauvreté « réside » massivement dans les villes pour la simple et bonne raison que majorité d’habitants vivent en ville. Les taux de pauvreté dans les ZUS sont trois fois supérieurs à ceux relevés en France métropolitaine hors ZUS, et les effets de la crise sont, sans commune mesure, bien plus violents dans ces mêmes communes qu’ailleurs.

En guise de conclusion et avant un débat qui a permis de confronter les avis sur les analyses produites par l’Observatoire, Louis Maurin a interrogé la hiérarchie des inégalités. Doit-on parler de territoires ou des populations qui y vivent ? Des étrangers ou des catégories sociales ? Pour Louis Maurin, appréhender les inégalités revient à regarder leur caractère social et composite. Le déni du social, la remise en cause de la solidarité et la lente prise de conscience pourraient à terme avoir des conséquences sur la cohésion sociale. Désormais, « jusqu’où peut-on attendre ? »  

Lien :
Les inégalités en France – Présentation de Louis Maurin (pdf)

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