Laïcité : Refondation républicaine

Vincent Peillon, ministre de l’Education nationale, a présenté, le 9 septembre,
la « Charte de la laïcité à l’école » dans un lycée de la Ferté-sous-Jouarre (77
).

Quelques hypothèses sur la portée d’une telle initiative pour les établissements et les villes de banlieue.

Après deux décennies d’hésitation, une réaffirmation des valeurs et symboles de la République

De ce point de vue, ce texte marque une rupture et un coup d’arrêt face à l’explosion des exigences dérogatoires.

La Charte stipule ainsi qu’« aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une question au programme » (art. 12) ; elle rappelle que « nul ne peut se prévaloir de son appartenance religieuse pour refuser de se conformer aux règles applicables dans l’École de la République (art.13) et que « les règles de vie des différents espaces, précisées dans le règlement intérieur, sont respectueuses de la laïcité. Le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit » (art.14).
Avec la Charte de la laïcité, il est question de réaffirmer la religion républicaine de manière à refonder le pacte républicain et l’unité nationale en crise. La Charte n’aurait pas seulement valeur de «réaffirmation» mais aussi  de «réintégration».

Une laïcité de liberté et d’émancipation

En effet, on se fourvoierait à interpréter cette Charte comme essentiellement un texte d’interdiction : la laïcité, est-il rappelé avec force et simplicité, préserve la liberté de conscience : « Chacun est libre de croire ou de ne pas croire » (art.3). Elle protège de la violence potentielle du groupe d’appartenance, de l’endoctrinement possible, de l’embrigadement non discutable dans des « solidarités naturelles » : « La laïcité de l’École offre aux élèves les conditions pour forger leur personnalité, exercer leur libre arbitre et faire l’apprentissage de la citoyenneté. Elle les protège de tout prosélytisme et de toute pression qui les empêcheraient de faire leurs propres choix » (art. 6).
La laïcité doit être comprise comme une valeur positive d’émancipation et non pas comme une contrainte qui viendrait limiter les libertés individuelles. C’est un nouveau message à la fois exigeant et stimulant qui est adressé à tous les enfants engagés dans un parcours éducatif.

Une fraternité trans-communautaire, matrice du vivre ensemble

L’autre face de ce message réside bien dans l’invitation à se reconnaître, à se respecter, se parler et construire ensemble au-delà des différences d’origine ou de culte. « La laïcité assure aux élèves l’accès à une culture commune et partagée » (art. 7). Dans le contexte des cités où les marqueurs et les revendications identitaires ethno-religieuses ont eu de plus en plus tendance à structurer la vie sociale, avec l’intolérance ou les violences qui s’en sont suivies, l’on ne saurait assez parier sur la laïcité et la neutralité qu’elle instaure, pour rassembler, pacifier la communauté (éducative), lui permettre de retrouver le chemin de la raison commune et du bien commun.
La proposition 89 de Ville & Banlieue d’instaurer à l’école un « enseignement laïc des différentes religions et de leurs histoires » allait dans cette même direction.

Pour une pédagogie de la laïcité, une régulation sans provocation ni compromission

Il est dit et répété dans la Charte que la laïcité doit s’afficher, s’expliquer, se transmettre et s’enseigner à tous les membres de la communauté éducative.
Cette Charte devra non seulement figurer en bonne place dans les établissements aux côtés des emblèmes nationaux et européens – devise nationale, drapeaux français et européen- mais faire l’objet d’une pédagogie adaptée aux différentes tranches d’âge de la population scolaire. Art. 10 : « Il appartient à tous les personnels de transmettre aux élèves le sens et la valeur de la laïcité, ainsi que des autres principes fondamentaux de la République. Ils veillent à leur application dans le cadre scolaire. Il leur revient de porter la présente charte ».
On le voit, la Charte recommande toujours la priorité au dialogue, tout en offrant aux responsables de la communauté éducative un cadre de référence utile pour ceux qui auraient à faire face à des provocations.

 

Affiche de la Charte de la laïcité à l’école