Grandir et apprendre à Grigny (91), « cité éducative »

Grigny, « ville amie des enfants », compte 30 % d’habitants de moins de 25 ans, soit deux fois plus d’élèves à scolariser que dans une commune d’importance similaire.  L’enjeu éducatif est de taille pour cette ville de l’Essonne dont le maire, Philippe Rio, a fait le choix dès 2013 de s’engager dans une démarche inédite : le projet « Grigny cité éducative ». L’objectif ? Mener 80 % des collégiens au baccalauréat d’ici 2020. Aujourd’hui, les bacheliers grignois sont loin de cette moyenne nationale, puisque seuls 25 % des lycéens obtiennent le précieux diplôme.  L’ouverture remarquée du Médiapôle Simone Veil au printemps dernier est le premier jalon d’envergure de ce projet éducatif ambitieux.

 

Pourquoi ?

Pour une ville comme Grigny où la jeunesse représente une part conséquente de la population, l’enjeu est de taille. Le projet de cité éducative concerne tout le territoire communal. Il s’agit d’un projet global. Pour Julien Denormandie, ministre chargé de la Ville et du Logement, en visite à Strasbourg le 7 janvier : « L’éducation ne s’arrête pas derrière les portes de l’école. Les cités éducatives doivent être un lieu d’ouverture et d’émancipation dans les quartiers prioritaires. L’État va accompagner les territoires, car il faut donner les moyens à nos jeunes d’atteindre leurs ambitions ». Il est essentiel de valoriser l’image de la réussite scolaire et le rôle émancipateur de l’école hors du seul cadre scolaire.

Comment ?

Il s’agit de mobiliser la totalité des acteurs et des lieux éducatifs. Pas uniquement l’école, les élèves et les enseignants, mais aussi les parents, les professionnels de la petite enfance, les médiateurs, travailleurs sociaux, les bibliothécaires et documentalistes, les éducateurs et les animateurs des structures d’activités artistiques, culturelles et sportives et ce tout au long du parcours scolaire de chaque enfant, depuis la crèche jusqu’au secondaire, afin de créer un cadre stimulant et sécurisant qui favorise le développement des élèves quel que soit leur milieu, leurs dispositions et leurs ambitions personnelles.
Grigny est une cité éducative pilote. Ces expérimentations sont menées à l’échelle nationale dans soixante quartiers Politique de la Ville où la mixité et la mobilité sociales sont faibles. Approximativement un million d’habitants aux moyens modestes sont concernés par ces dispositifs pilotes. Il existe pour chacun un comité de pilotage de proximité qui rassemble la municipalité concernée, les services de l’Education Nationale et de la préfecture et le CGET (Commissariat Général à l’Egalité des Territoires). A ces acteurs se greffent ensuite des partenaires comme les intercommunalités, le département, la CAF ou encore la région. Un comité d’orientation et d’évaluation est aussi en place. Il regroupe les ministères concernés mais aussi des élus, des associatifs, des experts et bien-sûr des représentants des usagers (parents et élèves).

Quel bilan ?

L’éducation et l’accès au savoir sont un levier essentiel à l’émancipation des populations les plus fragiles. La municipalité de Grigny s’est montrée moteur en la matière puisque c’est sur son territoire qu’est né le projet de Cité éducative. Aujourd’hui, la cité éducative permet d’accompagner les élèves à des moments clef de leur développement : maîtrise de la lecture, entrée au lycée, orientation professionnelle. Le projet séduit également des acteurs privés comme le chef  Thierry Marx qui a choisi Grigny en 2017 pour implanter un nouveau centre « Cuisine mode d’emploi(s) » où des formations gratuites de 12 semaines permettent notamment à des jeunes en décrochage scolaire d’obtenir une qualification en accélérée.

Le projet en photos

Interview de Philippe Rio, maire de Grigny

Le dispositif  inédit « la cité éducative a été mis en place en 2017, quelle est la particularité de cette démarche ?

Il existe dans nos territoires, minés par la pauvreté, un véritable défi pour l’Education Nationale et l’ensemble des acteurs locaux. A Grigny, par exemple, 50% des jeunes sortent du système scolaire sans aucun diplôme et seulement 25% accèdent au baccalauréat. La cité éducative, c’est d’abord un électrochoc de moyens et de « faire ensemble » pour répondre à cette situation en créant un écosystème éducatif global qui repose sur une vision partagée des fragilités et des besoins. Ainsi, en 2017, un Grand projet éducatif a été construit en partenariat avec l’Education Nationale porteur d’une ambition sans précédent pour sécuriser l’avenir et les parcours éducatifs des jeunes Grignois. La ville acteur incontournable dans la conception, la gouvernance et le pilotage s’est engagée totalement, en portant elle-même de nombreuses actions et dispositifs, afin de créer la complémentarité et la cohérence nécessaire au continuum éducatif dès la petite enfance et tout au long de la jeunesse jusqu’à l’entrée dans la vie active. C’est cette action en réseau qui fait toute la force de la cité éducative.

Quels dispositifs ont été mis en place ?

La ville pilote un programme de réussite éducative (PRE) accueillant 200 à 250 enfants chaque année. Nous avons mis en place différentes actions dans les domaines du sport, de la culture et de la santé qui participent tous à l’épanouissement et à la réussite des enfants. Une académie des sports a été créée. Elle permet à 500 enfants de 6 à 12 ans de pratiquer comme dans un club, une à deux fois par semaine, une des 10 disciplines sportives proposées par le mouvement sportif local ou des fédérations sportives. C’est aussi le dispositif « zéro non nageur » qui a pour ambition d’avoir en 5 ans toute une génération maîtrisant la natation. Actuellement, 80% des élèves grignois sortent du système scolaire sans savoir nager.

Dans le domaine de la culture, nous avons mis en place quatre dispositifs différents d’apprentissage musical  (Ose, Onde, La Maitrise, DEMOS). Nous avons ouvert un lieu dédié à la pratique du théâtre « l’atelier des arts et du théâtre » avec des compagnies en résidence qui offrent des parcours théâtraux aux élèves de la ville (classe théâtre, académie du théâtre, initiation et projets théâtre sur le temps périscolaire).
Autres exemples d’actions de la cité éducative, la lutte contre le décrochage scolaire, avec la création d’un comité rassemblant l’ensemble des acteurs éducatifs une fois par trimestre chargé d’identifier les situations de décrochage et d’y apporter des solutions.  Egalement le suivi individualisé des élèves de la 3e à la 2nde (dispositif PAL) afin d’éviter le décrochage durant la 2nde.

L’accompagnement vers l’autonomie et l’emploi est également un axe fort de la cité éducative. A cet effet, des actions comme des chantiers d’insertion, la possibilité de passer le permis ou de bénéficier d’un suivi individualisé vers des formations aux métiers du sport, du numérique, de la petite enfance, de la cuisine et bien d’autres à venir sont proposées aux jeunes . Enfin, un travail sur la parentalité est effectué en collaboration avec l’association ATD quart-monde.  Baptisé « Parents profs croisons nos savoirs », l’objectif est de mobiliser les parents les plus éloignés du système scolaire en facilitant leur relation avec l’école et les enseignants.

Le public a-t-il déjà adopté le médiapôle Simone Veil et les formations qui y sont proposées ? Pour vous, un projet éducatif passe aussi par la réduction de la fracture numérique ?

L’acquisition d’une culture numérique est essentielle. La ville a mis en place des actions de formation en direction des adultes pour réduire cette fracture.  L’Education Nationale a, de son côté, créé un médiapôle qui accueille toutes les semaines des enseignants avec leurs élèves pour s’initier au codage et à la programmation. Des projets d’éducation aux médias se déroulent au sein du médiapôle. Des temps de formation ou d’échanges sont proposés également aux enseignants. Par ailleurs, des liens commencent à se formaliser avec les dispositifs de Réussite éducatif et avec les Contrats Locaux d’Accompagnement à la Scolarité. D’autres initiatives voient le jour comme par exemple une formation à l’attention des parents d’élèves élus autour de la question du Cyber-harcèlement.

Comment sont actuellement financés les différents dispositifs d’accompagnement des élèves (aide aux devoirs, APC, programme de réussite éducative, contrat local d’accompagnement à la scolarité, Tutorat enseignant) ?

Tout dépend de l’entité porteuse du dispositif. En ce qui concerne l’Education Nationale par exemple, le tutorat enseignant est financé par une attribution de moyens supplémentaires en heures semaine par l’académie de Versailles et cela sur la base d’un projet défini en amont. Les autres actions mobilisent différents budgets, notamment de la ville mais aussi des financements en provenance du fond de soutien de l’état au développement des activités périscolaires (CGET), de la CAF (Contrat Enfance Jeunesse), de subventions au titre de la politique de la ville ou encore en provenance des bailleurs via la taxe foncière sur propriété bâtie. Ce dispositif, qui s’inscrit à l’échelle d’une classe d’âge et a la volonté de favoriser la réussite éducative et sociale pour le plus grand nombre, se doit d’être pérenne et donc d’être soutenu. A l’heure actuelle, la suppression du fond de soutien (432 000 euros) n’est pas remplacée, ni par le plan mercredi, ni par le plan pauvreté dont les modalités d’application restent floues.

Fiche d'identité de la communeLe projet en chiffresPour aller plus loin
  • Commune : Grigny
  • Département : Essonne (91)
  • Région : Ile-de-France
  • Population : 28 958 habitants
  • Maire : Philippe Rio (PCF)
  • Site internet : www.grigny91.fr
  • 600 inscrits à l’Académie des sports
  • 600 inscrits au parcours musical hors temps scolaire
  • Prise en charge de 0 à 25 ans