Pourquoi le financement de la transition écologique reste complexe dans les banlieues ?

L’Agence France Locale et Ville & Banlieue publient une étude sur le financement de la transition écologique dans les villes de banlieue. Si les opportunités et les solutions sont nombreuses, elles demandent encore une très grande technicité. Pas si simple de s’y retrouver.

 

La banlieue est prête à la transition écologique, son financement un peu moins. L’Agence France Locale (AFL) et Ville & Banlieue ont publié fin septembre une étude sur le financement de la transition écologique dans les villes de banlieue qui identifient trois leviers en matière de ressources, plus ou moins accessibles et faciles d’emploi. Les financements publics sont au premier rang, et en particulier les aides de l’Etat ciblées, notamment le plan de relance, avec 1 % pour les banlieues, sur les 100 Mds€ (dont la rénovation urbaine).

Autre financement ciblé : celui de l’Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU). Le Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) 2014-2024 prévoit ainsi la transformation de 450 Quartiers politique de la ville (QPV), à l’aide des 12 Mds€ de l’ANRU, avec parmi six objectifs, celui de « viser l’efficacité énergétique et contribuer à la transition écologique des quartiers ».

L’étude mentionne encore les subventions de projet et d’ingénierie des préfectures et celles des opérateurs de l’Etat : Office français de la biodiversité, ADEME, CEREMA, agences de l’Eau, etc. Les auteurs effleurent par contre les financements européens.

Enfin, toujours parmi les financements publics, ils n’oublient pas les EPCI, les Départements et Régions, parfois « avec des fonds spécifiques comme dans les Yvelines (ndlr : Prior’Yvelines, programme accompagnant les collectivités à la rénovation urbaine) et en Ile-de-France ».

Les prêteurs privés difficiles d’accès

Le second levier identifie d’autres financements : emprunt traditionnel et  prêts fléchés, « globalement peu utilisés ». « Les collectivités n’hésitent pas à s’endetter pour favoriser des investissements d’avenir, mais les contraintes budgétaires et l’encours de dette sont tels qu’il nous est difficile de faire appel à ce levier de façon exclusive, si nous n’obtenons pas aussi des subventions », commente Yasmina Boudjenah, aussi vice-présidente de Ville & Banlieues. Quant aux émissions obligataires vertes ou durables, « elles sont réservées aux grandes collectivités ». L’étude mentionne aussi les aides des acteurs privés, notamment en matière d’énergie (Orange, EDF…). A ce propos, pour augmenter le nombre de copropriétés rénovées thermiquement, Syamak Agha-Babaei, adjoint aux finances de la ville de Strasbourg, estime que « les financeurs publics et propriétaires ne suffisent pas, il faut des prêts privés de longue durée, peut-être à partir du livret A : on y travaille ».

Bien sûr, il y aussi « la contractualisation entre collectivité, Etat et opérateurs de l’Etat en matière de logement, alimentation, efficacité thermique des bâtiments, gestion des déchets, production d’énergies renouvelables… ».

Enfin, troisième levier : l’implication des citoyens, avec notamment l’élaboration de budgets participatifs (Mainvilliers, Lyon, etc.). A Bagneux qui y consacre 250 000 euros, Yasmine Boudjenah constate que « les projets les plus populaires relèvent de la transition écologique : installation de composteurs et poulaillers, nouveaux jardins partagés ».

Parfois, les villes recourent au financement participatif auprès des citoyens (Coulaines ou Paris), soulignent les auteurs. Coulaines (7 600 hab., Sarthe, un QPV) fait par exemple appel au don, au prêt ou à l’investissement en capital (avec rémunération) pour financer des projets publics. Les Strasbourgeois pourront eux bientôt prêter à la ville sur 7 ans (1,3 % d’intérêts) pour financer le Plan Canopée (plantations). L’étude cite encore pour ce troisième levier les livrets durables et/ou citoyens, l’émission d’obligations citoyennes.

Trop rares budgets verts

Sur le versant des dépenses, l’étude AFL / Ville & Banlieue a identifié deux leviers. D’abord « la mise en place de critères environnementaux et sociaux dans les appels d’offres, les contrats négociés avec les opérateurs/concessionnaires et dans le mécanisme d’attribution des subventions et crédits », qui « est croissante, résultant à la fois des obligations incombant aux collectivités et à l’engagement de certaines ». A titre d’exemple, Bagneux cite comme critères pour ses marchés la distance, le type de matériau et leur provenance, la performance écologique, une exigence de 20 % de bio dans les cantines, etc.

Côté méthode, l’étude évoque les (trop rares) budgets verts avec l’exemple 2021 de Vernouillet (10 077 hab., Yvelines / 2 QPV), qui a recruté un chargé de développement durable pour accompagner une politique d’achat de l’ensemble de la collectivité plus « verte » (10 % par service). Les Schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER), obligatoires dans les entités publiques à plus de 100 M€ d’achats annuels, sont une bonne opportunité. Ceux de Strasbourg et de l’EMS (400 M€ de commandes annuelles au total), renouvelés en juin 2021, « favorisent l’insertion de clauses environnementales dans les marchés publics : consommation énergétique, gestion des déchets, préservation des ressources naturelles, protection de la santé…, décrit Syamak Agha-Babaei. Bientôt, des clauses de réemploi de matériaux seraient obligatoires dans nos marchés : avec 1 % des montants, des associations proposeraient des emplois qualifiés à des personnes en QPV ».

Deuxième levier, toujours sur les dépenses : l’augmentation des investissements (Lyon, ou Echirolles avec une PPI structurée autour du Plan Climat) qui selon l’étude « permet de compenser les retards de certains secteurs (rénovation énergétique, végétalisation…) ».

Augmenter les moyens humains

L’étude n’omet pas les freins : « Ces collectivités souvent moins bien dotées en moyens humains et financiers souffrent d’autant plus de la multitude d’interlocuteurs et de programmes et des délais souvent trop courts pour répondre aux appels à projet (AP) ». « On est inondé d’AP et c’est chronophage, confirme Syamak Agha-Babaei, nous préfèrerions une politique claire d’achats permettant de bénéficier de financements sans AP ».

Les auteurs encouragent donc à augmenter les moyens humains pour mieux suivre AP et subventions, mettant en avant Lyon ou Vernouillet qui ont créé des postes de chargés de mission dédiés. Bagneux s’apprête elle à recruter trois chargés de mission au sein d’un Pôle transition écologique, entre autre pour appuyer les services dans leurs recherches de financements.

Et quand on n’a pas les moyens ? « Septème-les-Vallons (11 058 hab., Bouches-du-Rhône, 1 QPV) a sollicité l’Agence locale de l’énergie pour assister ses projets de rénovation urbaine et Coulaines bénéficie du Pays du Mans pour des services d’ingénierie et des audits énergétiques », souligne l’étude.

Cette dernière rappelle aussi que l’obtention de labels (Cit’ergie, atlas de la biodiversité…), de certifications (écoquartier) ou la signature de chartes (contre le logement indigne…) permettent de mieux capter les financements, « d’échanger des bonnes pratiques et d’avoir accès aux informations ». Enfin, les auteurs insistent sur la mobilisation nécessaire de l’ensemble des parties prenantes : citoyens, agents, élus locaux, entreprises, associations nationales d’élus, organismes publics…. La clé d’un transition écologique réussie.

 

Lire l’article sur le site de la Gazette des communes, des départements et des régions

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