Emploi : ce que réclament les régions

Alors qu’il se révèle impuissant à inverser la courbe du chômage, François Hollande veut enrôler les régions, majoritairement à droite depuis le scrutin des 6 et 13 décembre 2015, dans sa « bataille pour l’emploi ». Les présidents des treize exécutifs régionaux en métropole et de cinq collectivités d’outre-mer étaient conviés, mardi 2 février, à l’Hôtel Matignon, à un séminaire où ce sujet devait occuper une place centrale dans les discussions. Une rencontre inédite en présence de plusieurs ministres, suivie d’un déjeuner à l’Elysée. Le président de la République compte sur les élus régionaux pour la mise en œuvre de l’une des principales annonces faites le 31 décembre 2015, lors de la présentation de ses vœux aux Français.
Hollande s’était engagé à ce que 500 000 formations supplémentaires soient proposées à des demandeurs d’emploi en 2016. Soit presque deux fois plus qu’à l’heure actuelle. « L’idée est de contractualiser avec les régions pour que ça aille vite, explique une source gouvernementale, en rappelant que celles-ci jouent un rôle-clé dans le système de la formation professionnelle. Si les demandeurs d’emploi entrent en formation en septembre, cela ne peut pas aller. »

Les patrons de région, qui, pour la plupart, ont mené campagne sur le thème de l’emploi, semblent plutôt disposés à jouer le jeu. Y compris ceux de droite, même s’ils y mettent des bémols et posent leurs conditions. « On n’a pas envie d’être la roue de secours de Hollande mais quand on est aux responsabilités, on se doit de tout faire pour que ça marche », affirme Philippe Richert, président (LR) de la région Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine et tout nouveau patron de l’Association des régions de France.
« Il n’est pas question de se soustraire à cet exercice d’échanges avec le gouvernement. Mais c’est à lui d’aider les régions », renchérit Christian Estrosi (LR), élu en décembre 2015 à la tête de Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA). Dans un entretien aux Echos, Xavier Bertrand, président (LR) de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, était allé encore plus loin dans cette intention de coopérer avec l’exécutif : « Si l’Etat peut nous aider, je me moque de la couleur politique du gouvernement », assurait l’ancien ministre du travail, d’autant plus enclin au dialogue avec l’exécutif que sa victoire est due, en partie, aux électeurs de gauche.

Contreparties
Seul Laurent Wauquiez, qui ne participe pas aux rencontres de mardi, émet de fortes dissonances : « Les Français en ont assez des grand-messes hypocrites dont il ne sort jamais rien », a déclaré, lundi à l’AFP, le président (LR) de Rhône-Alpes-Auvergne. Mais « sa » région devait néanmoins être représentée, mardi, au séminaire par le premier vice-président, Etienne Blanc.

Si une relative bonne volonté est de mise parmi les régions, toutes obédiences confondues, il n’y a pas pour autant d’« union sacrée droite-gauche » sur l’emploi, souligne Bruno Retailleau, président (LR) des Pays de la Loire. Son homologue de Normandie, Hervé Morin (UDI), le dit en des termes très directs : que l’on ne compte pas sur « sa » collectivité s’il s’agit de « financer des stages parking de quelques semaines pour les demandeurs d’emploi ». Bon nombre d’élus comptaient bien profiter des débats avec Manuel Valls et avec le chef de l’Etat, mardi, pour faire valoir leurs propres propositions. M. Morin souhaite par exemple qu’une « expérimentation » attribue aux régions les pleins pouvoirs sur le dispositif d’orientation. M. Estrosi, lui, défend l’idée consistant à fusionner les lycées professionnels et les centres de formation des apprentis (CFA).

Disposées à participer à l’effort de formation supplémentaire en faveur des chômeurs, les régions espèrent obtenir en contrepartie ce qu’elles réclament en vain, depuis longtemps, droite et gauche confondues : le pilotage de la totalité des formations sur leur territoire. « Aujourd’hui, ce ne sont pas les régions qui orientent les demandeurs d’emploi dans les formations. C’est Pôle emploi, rappelle Alain Rousset, patron (PS) de la région Aquitaine- Limousin-Poitou-Charentes. Du coup, nous avons des stages qui ne sont pas remplis. Et des emplois non pourvus, faute de candidats. Seules les régions ont une connaissance fine des besoins des entreprises. »

Candidats à l’expérimentation
Les régions attendent de la part du gouvernement qu’il instaure enfin « la régionalisation du service public d’accompagnement vers l’emploi ». Promulguée en août 2015, la loi sur la « Nouvelle organisation territoriale de la République » (NOTRe) prévoit la possibilité pour les régions de demander la délégation de la coordination des acteurs de la formation – à l’exception de Pôle emploi. L’opérateur public a conservé la faculté d’orienter des demandeurs d’emploi vers les formations et d’affecter les crédits de l’Etat aux organismes de formation.

Pour les régions, la loi NOTRe ne va pas assez loin. Lors de l’examen de ce texte au Parlement, « le gouvernement a détricoté ce que nous avions voté au Sénat pour imposer un dispositif purement formel », regrette M. Retailleau. Lui et plusieurs présidents de région de droite – parmi lesquels MM. Bertrand, Richert et Estrosi – mais aussi de gauche, tel M. Rousset, se sont déclarés candidats à l’expérimentation de la régionalisation de la politique de l’emploi.

Leur motivation est d’autant plus grande que le 18 janvier, lors de ses vœux aux acteurs de l’entreprise et de l’emploi, M. Hollande s’est dit « prêt à modifier la loi si nécessaire » pour étendre les compétences régionales en matière de formation. Mais il risque de se heurter à des résistances. Les syndicats sont, en effet, vent debout contre la perspective d’une « régionalisation de Pôle emploi qui ferait courir des risques de rupture d’égalité au regard des moyens, voire des objectifs politiques des régions », selon la CFDT.

Une autre cause fédère aussi les régions par-delà les clivages partisans : la régionalisation de la Banque publique d’investissement (BPI). Créée par le gouvernement Ayrault pour – entre autres – prêter de l’argent aux petites et moyennes entreprises (PME), la BPI « décide de Paris sans vision des vrais gisements de création d’emplois sur le terrain », estime M. Rousset. « Si les régions pilotaient la BPI, poursuit-il, l’argent irait davantage aux PME qui sont les premières à créer de l’emploi en France. » Jusqu’ici, le ministre de l’économie, Emmanuel Macron, a fait la sourde oreille sur ce sujet.

Article vu sur :
lemonde.fr – du 2 février 2016

Pour en avoir plus :
www.localtis.info – du 3 février 2016
www.lagazettedescommunes.com – du 2 février 2016

 

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