Contribution de Ville & Banlieue dans le cadre du Conseil Interministériel des Villes du 29 janvier 2021

Contribution V & B – Conseil interministériel des Villes du 29 janvier 2021

 

L’Association des Maires Ville & Banlieue de France est pleinement engagée dans l’Appel des 200 Maires « pour l’égalité républicaine de nos villes et quartiers populaires », dit Appel du 14 novembre. Comme association, elle souhaite mettre en avant 15 propositions avant le Comité Interministériel des Villes (CIV) prévu fin janvier 2021.

Depuis la rencontre avec le Premier Ministre et 5 ministres le 23 novembre dernier, notre association avec les représentants de l’Appel du 14 novembre ont participé à de nombreuses rencontres sur l’emploi, l’insertion économique et sociale, l’éducation, le sport, la culture, la santé, le logement, la sécurité et la tranquillité publiques et les finances locales.

Les questions que nous soulevons ne sont pas seulement conjoncturelles (crise sanitaire, crédits du plan de relance), elles sont structurelles et interrogent clairement la mobilisation du droit commun, trop insuffisante, dans nos territoires.

Assurément, le prochain CIV, à la préparation duquel nous avons fortement participé, constituera une étape importante de la réponse forte que nous attendons du Président de la République et de son gouvernement.

Aussi, nous voulons rappeler les éléments suivants :
Nos collectivités, dites « villes de banlieues », où vivent près de 10 millions de nos concitoyens parmi les plus fragiles, se distinguent par des indicateurs sociologiques, démographiques et sociaux qui appellent une mobilisation exceptionnelle de la solidarité nationale et des politiques publiques ambitieuses :
– Une proportion de jeunes très élevée ;
– Des foyers en dessous du seuil de pauvreté (dont les familles monoparentales) en nombre très supérieur à la moyenne nationale ;
– Un taux de chômage de plus du double de la moyenne nationale, une proportion beaucoup plus forte d’emplois précaires, de « petits boulots » ;
– Un niveau d’études et de qualification très en-deçà des chiffres constatés dans les autres ;
– Une surpopulation dans le parc d’habitat à loyers modérés (HLM) et dans les copropriétés vieillissantes et dégradées, concentration croissante de l’extrême pauvreté dans les quartiers prioritaires au détriment de la nécessaire mixité sociale, mal logement.
Ces caractéristiques demandent des politiques appropriées, adaptées, donc des moyens financiers. Or, sur le plan des ressources, nos collectivités se définissent par un potentiel fiscal inférieur à la moyenne des villes de notre strate, sa mobilisation très élevée entraînant une imposition importante, donc un effort très lourd pour nos concitoyens (notamment ceux qui ont des revenus moyens). Cette situation rend nos communes trop peu attractives pour ces populations et nuit à l’indispensable mixité que nous recherchons tous.

Par ailleurs, nos recettes sont très dépendantes des dotations (beaucoup plus que pour des communes de même strate mais plus « équilibrée » quant à leur composition sociologique).
Or, la dotation de solidarité urbaine (DSU), n’arrive pas, malgré les revalorisations annuelles de l’enveloppe globale, à compenser ces injustices territoriales. C’est d’autant plus vrai qu’il y a quelques années, le calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF) a fait entrer le
potentiel fiscal (potentiel financier augmenté des dotations) en incluant la DSU qui était censée combler les écarts… Depuis plusieurs années, les maires constatent une baisse sensible de la DGF attribuée à leurs communes, non-compensée par la DSU.

De surcroît, nos collectivités qui accueillent des logements sociaux en nombres et en pourcentages très importants enregistrent des pertes supplémentaires de recettes. En effet, l’État (qui décide des exonérations fiscales concernant le logement social) en fait supporter le poids, pour sa plus grosse part, aux communes. C’est la double, voire triple peine pour les villes les plus pauvres !

Tous ces éléments s’étant accentués depuis quelques années, la crise actuelle (sanitaire, sociale, économique) accélère nos difficultés et ce sont les habitants de nos quartiers et communes vulnérables qui en subissent d’abord les effets.

C’est pour cela que nous avons lancé ce cri d’alerte au Président de la République et que nous attendons la concrétisation du plan de mobilisation nationale pour les quartiers populaires annoncé à Tourcoing il y a maintenant plus de trois ans.

 

Nos principales demandes et propositions

1. Compensation à l’euro près par l’État des dépenses supplémentaires – pas uniquement des pertes de recettes usagers – engagées par les collectivités pour faire face à l’épidémie de COVID 19, notamment pour l’application des protocoles sanitaires dans les bâtiments et espaces publics, dans les écoles particulièrement.
2. Création d’une dotation de surcharge scolaire permettant aux communes marquées par un fort dynamisme démographique d’assumer leurs obligations réglementaires en matière de scolarisation d’un nombre plus important d’enfants que dans des villes de même strate et de reconnaître les efforts supplémentaires consentis dans le domaine de l’éducation, notamment dans l’accompagnement du dédoublement des classes de grande section de maternelle, de cours préparatoire (CP) et de cours élémentaire 1ère année (CE1).
3. Augmentation annuelle du nombre de Cités éducatives dans la perspective d’une généralisation sur 4 ans à l’ensemble des 859 communes de la politique de la Ville, maintien et conservation des moyens attribués aux REP et REP +, règlement du problème des « écoles orphelines ».
4. Création de 7000 emplois réservés à nos communes et à nos quartiers, dédiés à la médiation (sociale et urbaine de proximité, scolaire, sportive, culturelle, de santé) dans une perspective d’insertion et de professionnalisation en mobilisant les dispositifs d’accompagnement vers l’emploi.
5. Généralisation des Cités de l’emploi en les jumelant aux Cités éducatives pour permettre la construction de parcours d’insertion professionnelle ; mobilisation des partenaires publics et privés des territoires pour l’emploi pour développer et généraliser les clauses d’insertion.
6. Création à l’échelle nationale d’un Pass’sport et d’un Pass’culture qui pourraient être financés conjointement par l’État et les collectivités locales pour favoriser l’accès aux pratiques sportives et culturelles à toutes et à tous.
7. Mise en place d’équipes pluridisciplinaires (médecins, médecins et infirmiers scolaires, psychologues, psychiatres, éducateurs spécialisés, médiateurs de santé) pour assurer l’accès aux soins, mener des actions concertées de prévention et de lutte contre les addictions.
8. Attribution de 2 milliards d’euros supplémentaires à l’ANRU afin de réviser à la hausse les projets de renouvellement urbain dans le cadre des clauses de revoyure. À ce titre, nous souhaitons un élargissement des périmètres des QPV, conforme aux territoires de vie des habitants de ces quartiers. Le seul critère « géographique » ne doit pas être le seul déterminant du financement d’opérations essentielles pour les habitants de ces quartiers.
9. Augmentation sensible des crédits dédiés à la rénovation des copropriétés dégradées.
10. Augmentation progressive de la compensation de l’État des exonérations de taxe foncière au profit du logement social avec un geste significatif dès l’exercice en cours.
11. Fusion de la DSU et de la DPV en une seule et même dotation avec une trajectoire d’augmentation régulière sur la durée du mandat municipal à fins de sécurisation des ressources de nos collectivités et de simplification financière.
12. Fléchage précis des crédits du plan de relance au profit des investissements dans les communes de la politique de la Ville et mise en place de comités d’évaluation de l’utilisation de ces crédits sous l’autorité des préfets ; accès facilité aux fonds européens (FEDER et FSE) pour les communes et quartiers populaires.
13. Augmentation sensible du nombre de quartiers de reconquête républicaine dans la perspective d’une généralisation à tous les QPV en affectant les moyens policiers supplémentaires afférents à la sécurisation et à la tranquillisation des quartiers concernés (lutte contre les trafics, les rodéos autos et motos). En cas de violences urbaines et de troubles graves à la sécurité publique, les unités mobiles de maintien de l’ordre doivent être facilement mobilisables par les préfets sur demande du maire.
14. Accompagnement par l’État des contrats locaux de sécurité dans leur coordination par des postes financés de manière pérenne dans le cadre du FIPD. Actuellement, les communes qui ont bénéficié d’une aide la première année (fond d’amorçage) pour créer ces emplois doivent assumer durablement cette charge supplémentaire de fonctionnement dans leur masse salariale.
15. Mise en place de maisons de la Justice et du Droit dans toutes les communes et quartiers populaires dont le financement sera assuré par l’État en investissement et en fonctionnement, développement des mesures d’une justice de proximité plus rapide et plus agile, subventionnement par le ministère de la justice des frais de fonctionnement de ces maisons de la Justice et du Droit, notamment les loyers souvent pris en charge par les
communes ou les intercommunalités.

 

 

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