Communique de presse de l’IRDSU

À quand une réelle politique nationale d’égalité de traitement et de lutte contre les discriminations ?

L’Inter Réseau du Développement Social Urbain* se mobilise depuis de nombreuses années pour lutter contre toutes les formes de discriminations, en particulier celles liées à l’origine et au territoire. Le réseau des professionnels de la Politique de la ville que nous sommes, rompu à l’approche transversale, milite pour former et sensibiliser les élus, les professionnels et les habitants dans le cadre d’une stratégie d’alliance productrice de changement. Porteur d’un « chantier » national dédié à ce sujet regroupant des dizaines d’experts, nous avons par exemple contribué à la rédaction du cadre de référence de lutte contre les discriminations, édité en 2014 par l’ancien Commissariat Général à l’Égalité des Territoires ; Travaillé à l’émergence d’un réseau d’élus locaux mobilisés contre les discriminations (dont les productions sont précieuses) et étudié de nouveaux formats pour inclure les premiers concernés dans cette politique publique. Enfin, des formations spécifiques ont permis à de nombreux collègues de collectivités, localement, de poser un cadre de travail et d’engager des dynamiques.

A l’heure de la nomination d’une nouvelle ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et la Lutte contre les discriminations, la refonte des Contrats de ville et les engagements pour Quartiers 2030, la lutte contre les discriminations doit être une réelle priorité. Nous vivons dans une société diverse et riche en cultures, il est de notre devoir de promouvoir l’égalité et de garantir les mêmes opportunités pour tous, comme le rappelle l’article 14 de la convention européenne des droits de l’Homme : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune… ». En effet, les discriminations entravent le développement de notre nation en affectant la vie quotidienne de millions d’individus. Elles se manifestent dans divers domaines tels que l’éducation, l’emploi, le logement et même pour accéder aux services de base. Cela engendre des inégalités profondes qui déchirent le tissu social, sapant ainsi les fondements de notre démocratie. Le sujet doit donc sortir de la périphérie des politiques publiques pour se rapprocher du centre.

Nous interrogeons donc les pouvoirs publics sur leur réelle motivation qui constitue un préalable avant d’investir ce champ. L’État doit affirmer avec force et conviction sa démarche de soutien à la mobilisation sur le sujet.

Pour lutter efficacement contre les discriminations, il est essentiel de mettre en place des mesures concrètes et d’adopter une approche systémique, bien au-delà de la seule Politique de la ville.

Pour garantir l’égalité, il est crucial de travailler deux aspects. Prioritairement il faut améliorer l’accès aux droits et soutenir les mobilisations collectives des personnes qui sont discriminées. Ensuite il faut sensibiliser la totalité de la population à la diversité et à l’importance de l’égalité, en mettant en place des campagnes de communication et des programmes éducatifs très larges, dès le plus jeune âge. En effet, il est primordial de veiller à l’application du droit en le rendant effectif et en luttant contre le non-recours. Les lois sont claires, elles doivent être accompagnées de sanctions dissuasives pour garantir leur respect.

Parallèlement, il est nécessaire d’agir au niveau institutionnel. Les services publics doivent mettre en place un principe d’exemplarité en matière d’égalité. Les recrutements et les promotions doivent se faire sur la base du mérite et de la compétence, en éliminant toute forme de favoritisme ou de discrimination. Par exemple, les Directions des Ressources Humaines doivent former en interne tous les agents du service public. Les collectivités peuvent aussi être force de proposition en incluant des clauses pour l’égalité dans les marchés publics et pousser les entreprises à adopter des méthodes vertueuses.

Les mêmes entreprises doivent être encouragées à adopter des politiques inclusives, en favorisant la diversité au sein de leurs équipes salariées et en luttant contre les discriminations sur le lieu de travail.

Enfin, la lutte contre les discriminations passe par une implication active de la société civile. Les associations et les organisations non gouvernementales jouent un rôle clé dans la promotion de l’égalité et dans le soutien aux victimes de discriminations. Il est important de leur fournir les ressources nécessaires pour mener à bien leur mission. En encourageant le dialogue et la collaboration entre tous les acteurs de la société, nous pourrons construire un front commun solide. La question de la parole collective est essentielle et il faut maintenir des espaces pour qu’elle puisse être libérée. Pour cela, il est nécessaire de prendre en compte le pouvoir d’agir des habitants et de reconnaître leur expertise d’usage.

La lutte contre les discriminations est une politique publique à part entière qui doit sortir du champ de la politique de la ville même si pour des questions opérationnelles les équipes en charge peuvent continuer d’animer des dynamiques locales quand elles existent. C’est le périmètre et le mandat qu’il s’agit d’élargir. Pour cela il faut passer de l’angle mort au cœur d’une politique publique. Nous demandons que la lutte contre les discriminations soit dotée de moyens financiers et humains, dans chaque Préfecture, pour élaborer une stratégie nationale, au même titre que les moyens dédiés au Droit des Femmes. Développer des partenariats systématiques avec les grands Ministères ou agences d’État et les collectivités locales (Région, EPCI, etc).

Le renforcement de cette politique se fera nécessairement par un renforcement des moyens alloués. A ce titre, les formations et l’ingénierie d’études, déployées par le passé par les services de l’État, étaient précieuses.

Il est temps de sortir des outils classiques de sensibilisation et de passer à l’action en mettant en place des dispositifs d’analyse territoriale et développer des stratégies d’alliance entre les associations, l’État, les collectivités et entreprises.

La généralisation des testings qui est maintenant affichée dans le cadre des Contrats de ville est une première victoire. Pour autant, les chiffres montrent et confirment la discrimination importante qui est faite à l’embauche ou dans le logement. Le travail consistera maintenant à lutter contre les biais, conscients ou inconscients, qui sont à l’œuvre individuellement ou de façon systémique.

Il apparaît aussi important de mettre un terme à la concurrence des luttes. En effet, aussi louable soit-elle, force est de constater que la promotion thématique des luttes porte préjudice au déploiement de la lutte contre les discriminations. A ce titre, les acteurs sont unanimes pour dénoncer le tabou qui accompagne les discriminations liées à l’origine et qui empêche d’agir sereinement. Il est important de sortir du déni et de s’appuyer sur les différentes études et rapports qui convergent tous pour illustrer ce phénomène. Comme le précise le rapport du Défenseur des Droits en 2020 : En France métropolitaine, l’origine réelle ou supposée constitue le deuxième critère de discrimination après le sexe.

Il convient d’adopter une approche moins individualisée du droit pour s’orienter vers une approche plus politique, d’animation de réseau et de transformation sociale.

Il est important de soutenir toutes les instances qui visent à la cohésion sociale et à la lutte contre les inégalités de traitement. Le Défenseur des Droits et ses Délégués en sont un exemple concret. Plus globalement, le tissu associatif s’avère primordial. Nous profitons de ce communiqué pour attirer l’attention sur des dérives à l’œuvre permises par une interprétation arbitraire de la Loi confortant le respect des principes de la République (loi CRPR) qui visent certaines associations victimes de rétorsion sur simple suspicion de services préfectoraux.

Enfin, nous ne pourrions clore cet appel sans pointer la responsabilité des médias qui véhiculent allègrement les germes qui produisent stigmatisation et préjugés qui alimentent les discriminations. Nous observons une dérive langagière qui semble ne plus se donner de limite. Nous rappelons que même privées, les chaînes télévisées émettent grâce à une licence accordée par l’État et qu’il en va de la responsabilité de chacun pour stopper la surenchère qui vise à indexer toute une frange de la population au travers du triptyque « fait divers – instrumentalisation médiatique – récupération politique ». Nous sommes convaincus que cette tendance est pour beaucoup dans l’ambiance délétère de division qui règne dans notre pays.

La lutte contre les discriminations est un combat de tous les instants, qui nécessite une mobilisation collective et des actions concrètes. Il est de notre responsabilité en tant que citoyens de promouvoir une société égalitaire et inclusive, où chacun a le droit de vivre et de s’épanouir sans craindre d’être discriminé. En agissant ensemble, nous pouvons construire un avenir meilleur, où la diversité est célébrée et où la justice sociale est une réalité pour tous.

Pour cela, nous proposons que la lutte contre les discriminations soit la grande cause nationale du Gouvernement.

Pour le groupe de travail Lutte contre les discriminations de L’IR-DSU : le Président du Conseil d’Administration, Khalid IDA-ALI : 06 04 59 10 30 / Standard de l’IR-DSU : 02 40 89 10 18 Contacts presse : Khalid Ida Ali, Président 06 04 59 10 30 Laurence Bourgoise 06 32 43 92 05

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