Le manifeste des villes de banlieue 2007

Pourquoi ce manifeste

Nous sommes au début du XIIIème siècle. Le mot « banlieue » fait son entrée dans notre langue pour qualifier « cet espace d’une lieue autour de la ville où s’exerce le droit de ban », c’est-à-dire sa juridiction et sa loi communes. La banlieue signifie alors, littéralement, le droit de la ville, et le droit à la ville pour les territoires qui l’entourent.

Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, l’on doit reloger les Français et ceux que l’on fait venir pour reconstruire le pays. Des territoires périphériques se développent au-delà des faubourgs urbains, parfois ex-nihilo, parfois à partir de villages se couvrant de cités en quelques années. La banlieue est devenue une dépendance de la ville.

Pendant 20 ans, sur fond de croissance et de prospérité générales, la banlieue tient bon. Mais les vents de la crise mondiale et du chômage de masse commencent à fissurer l’édifice. Et l’énergie municipale ne suffit plus : les maires de ces communes jeunes se battent pour en faire de vraies villes sans en avoir les pouvoirs. Ville et Banlieue se crée pour les faire entendre et relayer par les pouvoirs publics. Cela s’embrase de façon sporadique. Aux assises de Bron, initiées par Banlieues 89, le Président de la République annonce la création d’un ministère de la Ville pour soigner la banlieue. Et cette histoire de « ban-lieue » devenue synonyme de « bannissement social » résonne alors comme une promesse.

Novembre 2005. Les banlieues s’enflamment encore et brûlent ce qu’elles avaient, avec leurs élus, arraché à l’égoïsme des « centres » de pouvoir. Aux provocations des uns, répond l’aveuglement des autres. La banlieue est devenue, jusqu’à ses propres yeux, le référent négatif de la société française.

Nous sommes à la veille d’échéances politiques majeures. Un moment rare où, fût-ce pour fustiger, chacun écoute. Alors, cela nous incite à parler : nous qui sommes à la tâche de la banlieue depuis deux ou trois mandats, traversant en hussards d’ombre la vie politique, y compris dans nos propres partis. Peu interrogés hors des épisodes dramatiques, souvent plaints ces derniers mois il est vrai, par des éditorialistes s’étonnant de l’impuissance collective. Qu’avons-nous appris et que voulons-nous faire entendre aujourd’hui ?

Un. L’on n’a pas pris la mesure du mal. Chez nous, précipitent en une alchimie inédite, le travail raréfié, la relégation métropolitaine, les familles « dé-recomposées », les identités écartelées, les vieillesses déçues et les jeunesses trahies, l’abandon de l’Etat et la faiblesse des villes. L’on échoue chez nous plutôt qu’on s’y installe, avec toute la misère du monde. Alors, cessons de faire croire à un simple problème d’urbanisme, ou à l’échec de tel ou tel modèle politique. Le chantier de la mondialisation maîtrisée commence ici et maintenant.

Deux. Le procès fait à la politique de la ville nous paraît malhonnête. Depuis 25 ans, elle a servi à parer au plus pressé et à faibles coûts, et acheter la tranquillité des centres. Qu’on ne lui reproche donc pas de n’avoir pas su restaurer la machinerie de l’appareil méritocratique. Ou de n’avoir pas su faire monter ses 5 millions d’habitants dans l’ascenseur social. Trop pauvre, marginale et impuissante à mettre en mouvement les vrais leviers de l’efficacité politique, économique et sociale, trop à l’image de ses bénéficiaires, elle n’en a jamais eu les moyens.

Trois. Le problème des banlieues n’est pas celui de nos villes, mais a minima celui de la France. Il est impératif qu’elle accepte de le regarder comme une cause nationale, en décidant enfin d’y investir. Alors seulement, serons-nous en mesure de dépasser le stade incantatoire de l’égalité des chances. De mesurer les inégalités réelles pour nous y attaquer collectivement.

Nos propositions dépassent le domaine de la politique de la ville ; elles concernent tous les chantiers politiques qu’il faut savoir conduire ensemble, si nous voulons retrouver le chemin de la capacité politique, et nos concitoyens des banlieues, celui de la confiance en notre République.

Propositions pour les villes de banlieue

Instaurer une péréquation financière nationale et locale permettant aux villes de banlieue, ayant sur leur territoire les populations les plus pauvres, d’offrir à leurs habitants un service public local comparable à la moyenne des villes françaises.

Mettre les banlieues, au-delà de la politique de la ville, dans la logique de l’aménagement du territoire et du développement. Organiser dès 2007 un CIADT des villes de banlieue.

Faire des villes de banlieue, à l’occasion de leur renouvellement urbain, des villes-phares de l’habitat et du développement durables.

Accorder une priorité nationale à la desserte des villes de banlieue mal reliées aux réseaux efficaces de transports en commun.

Redessiner des intercommunalités proches de la réalité des bassins d’emploi et d’habitat, pour lisser les disparités dans les agglomérations, au lieu de favoriser les regroupements ségrégatifs, comme souvent en Ile-de-France.

Appliquer la loi SRU (article 55) pour développer l’offre de logements sociaux accessibles dans toutes les communes des agglomérations. Privilégier fiscalement les communes qui bâtissent. Etendre le renouvellement urbain aux quartiers d’habitat indigne.

Rapprocher quartiers en difficulté et pôles de richesse économique par des programmes ciblés de formation professionnelle et des dessertes efficaces. Lever les blocages administratifs et financiers à la création de petites entreprises, et les accompagner.

Faire de la lutte contre l’échec scolaire, une cause nationale. Créer des collèges et lycées d’excellence en banlieue, des internats éducatifs dans chaque agglomération.

Remettre en activité la police de proximité, faire évoluer la formation de la police, retisser des liens de confiance avec la population . Développer les systèmes alternatifs à l’incarcération,  les sanctions éducatives, tout en s’attaquant à la rénovation des prisons.

Soutenir ceux qui concourent à faire de la banlieue le symbole des mixités réussies. Défendre la laïcité des espaces et des services publics pour promouvoir une société ouverte, démocratique, fraternelle, tournant le dos aux formes diverses de séparatisme culturel.

Promouvoir les villes de banlieue qui font de la lutte contre toutes les discriminations une priorité politique, en donnant l’exemple dans leurs services municipaux et dans leurs villes.

Rassembler dans un Ministère des Territoires, la ville, le logement, l’aménagement du territoire et la Direction générale des collectivités locales.

Ressources des collectivités

Corriger l’inégalité fondamentale que représente la disparité de ressources entre les communes urbaines

« Autonomie » des collectivités locales et « péréquation de leurs ressources » sont toutes les deux inscrites dans la Constitution (article 72-2). Pourquoi s’alarmer alors de tout ce qui peut entamer le premier de ces principes et s’insurger, au nom de la liberté, contre les mesures qui pourraient contribuer à établir le second ? La liberté sans les moyens de la liberté n’est qu’injustice. En ce sens, l’engagement des pouvoirs publics sur des objectifs quantifiés et progressifs de péréquation dans le calcul des dotations est décisif pour les villes de banlieue. Il conditionne pour les maires le maintien d’une offre de services publics pour les populations qui en ont le plus besoin ainsi que la prévisibilité de leurs ressources à moyen et long terme.

Ce que nous proposons

1. Réformer les instances de responsabilité et de régulation

Autonomiser la DGCL par rapport au Ministère de l’Intérieur, en la localisant dans un Ministère des Territoires.

Ouvrir la  Conférence des finances publiques à l’ensemble des associations d’élus. Exiger qu’elle inscrive à son ordre du jour l’inégalité financière des collectivités, tant en « pouvoir d’achat » de services au public qu’en capacité à faire face à leurs compétences.

Instaurer un rapport annuel du gouvernement sur l’évolution de la péréquation, présenté chaque année au Parlement comme cela se fait au regard de l’autonomie des collectivités.

2. Réviser la fiscalité locale

Contribuer à la stabilisation des relations entre l’Etat et les collectivités locales, par :

  • la  revalorisation automatique des bases des impôts locaux dans la loi de finances, en l’indexant sur le taux d’augmentation des prix
  • l’indexation du taux de croissance des concours de l’Etat sur le PIB à 100%, qui assure un maintien des prélèvements obligatoires par rapport à la production nationale et permet de faire face aux transferts de compétences.

Délier les taux des impôts locaux. La généralisation progressive de la taxe professionnelle unique (TPU) crée des liaisons entre des collectivités « personnes morales » disposant de l’autonomie de décision. La dé-liaison des taux permettrait aux intercommunalités (EPCI) d’augmenter leurs taux sans augmenter ceux des communes membres.

Réformer la taxe professionnelle, impôt injuste pour les entreprises et incertain pour les collectivités. Et cela en :

  • supprimant le  plafonnement de la TP à 3,5 % de la valeur ajoutée ou assurant la prise en charge par l’Etat du coût du plafonnement.
  • engageant une réforme profonde de la TP, dont l’assiette fiscale serait désormais la valeur ajoutée.

Revoir la base de la taxe d’habitation (TH) avec une double référence, à la valeur locative et au revenu des ménages :

  • Réduire progressivement les écarts de taux, car les taux appliqués sont aujourd’hui sans relation avec le service rendu par les communes.
  • Imaginer une TH  à taux unique (calquée sur la TPU qui paraît une mesure de bon sens) car les services dont bénéficient les habitants sont, pour une large part, ceux de l’agglomération.

S’orienter vers un impôt d’Etat partagé en direction des collectivités, complément ou substitut à la taxe professionnelle : partage de la TVA ou partage d’un impôt sur le revenu

3. Accroître l’efficacité des dispositifs de péréquation dans les dotations

Porter les concours de péréquation à 25% de la Dotation globale de fonctionnement versée aux communes par l’Etat. Il s’agit de rendre la DGF, dispositif aujourd’hui largement plus compensateur que péréquateur, plus efficace en augmentant et en concentrant la DSU, ou en s’attaquant à la structure même de la DGF :

  • soit l’on considère que le socle rénové de la DGF est bon tel qu’il est (basé sur des critères de population, de potentiel financier et de superficie communale) et il faut faire porter la réforme sur la partie déjà consacrée à la péréquation en rendant la DSU plus importante et plus efficace. L’augmentation annuelle de la DGF devrait ainsi être affectée en grande partie aux dotations de péréquation qui la composent.
  • soit l’on considère qu’il faut revoir la structure de la DGF elle-même et y intégrer d’autres éléments de péréquation prenant en compte les ressources et les charges réelles des collectivités.

Quelle que soit la méthode retenue, nous demandons que la péréquation entre collectivités soit significativement augmentée.

Revoir le mécanisme du Fonds de solidarité de la région Ile-de-France, (FSRIF) pour sécuriser les ressources et la progression de celles-ci.

A terme, élargir la méthode FSRIF ainsi révisée à l’ensemble des régions.

4. Etendre la solidarité envers les communes les plus vulnérables

Rembourser dans l’année aux communes la TVA qu’elles ont avancée

Créer un fonds de garantie spécifique pour l’indemnisation des violences urbaines et contribuer ainsi à une meilleure assurance des collectivités les plus exposées.

Aménagement du territoire

Inscrire le renouvellement urbain dans une politique ambitieuse d’aménagement, d’équipement et de transport pour les banlieues

Dans nos agglomérations, les logiques de ségrégation territoriale et sociale s’avèrent cumulatives. Pour les combattre, il faut promouvoir le polycentrisme des agglomérations : par des incitations d’Etat et  des subventions aux grands équipements et aux infrastructures dans les sites reconnus prioritaires de la politique de la ville.

Les documents de planification spatiale engageant l’Etat (contrats de projet, directives territoriales d’aménagement…), les schémas directeurs des collectivités (schémas régionaux d’aménagement du territoire, SCOT, contrats d’agglomération…) doivent aller dans ce sens du polycentrisme des aires urbaines, pour changer le rôle des villes de banlieue.

Ce que nous proposons

1. Investir fortement dans les villes de banlieue

S’appuyer sur les leviers que constituent les équipements de transports, les équipements universitaires, culturels ou sportifs à fort rayonnement, pour provoquer de nouvelles dynamiques économiques, urbaines et sociales au sein des agglomérations… Pour inverser la tendance au mal développement et à la disqualification urbaine.

2. Réengager l’Etat dans le développement des transports en commun d’agglomération

Obtenir le retour de l’Etat dans le financement des grands réseaux d’infrastructuresclé de la mobilité durable au sein des agglomérations. Seul un financement pérenne pourra remédier à l’enclavement des quartiers périphériques et à l’exclusion de leurs habitants

Mettre en oeuvre des politiques locales de déplacement en faveur des banlieues : via les PDU, PDE et PDA, rechercher les tracés structurants, améliorer la qualité de service (cadences, confort, sécurité), favoriser les alternatives à l’usage de la voiture particulière (intermodalité, modes doux, covoiturage) et développer la tarification sociale.

3. Diversifier la stratégie de l’ANRU

Prendre en compte l’ensemble des capacités résidentielles, des besoins en équipements et en espaces publics des agglomérations au titre du renouvellement urbain.

4. Donner aux communes de banlieue des moyens de management  et d’ingénierie adaptés 

Pérenniser les nouveaux métiers générés par la politique de la ville à la croisée de l’économique, de l’urbain et du social : chefs de projet, agents de développement et de médiation, chargés de prévention…

Répondre à la complexité des enjeux des villes de banlieue : via les crédits d’études attachés au renouvellement urbain, via un engagement préférentiel des agences d’urbanisme ou grâce à de nouvelles marges de recrutement direct par les communes.

Intercommunalité

Rendre les agglomérations plus démocratiques et solidaires

La France a fait le choix d’un pouvoir bicéphale à l’échelle locale, communal et intercommunal.  Commune et agglomération sont reconnues comme des instances légitimes de gestion et de projet. Même si la seconde concentre l’essentiel de la prospective et des politiques de développement, il existe sur des sujets comme l’habitat ou la politique de la ville, une double légitimité et des politiques au moins coordonnées. Dès lors le problème est double. D’une part contenir l’augmentation simultanée des budgets communaux et intercommunaux ; mais les marges sont limitées car souvent l’intercommunalité permet de mettre en œuvre des politiques qui n’existaient pas ou peu au niveau communal : collecte et  traitement des déchets, politique environnementale, transports, politique de développement économique… D’autre part, mettre l’intercommunalité au service de la solidarité territoriale.  Sur ce point, il reste beaucoup à faire.

Ce que nous proposons

1. Intégrer les zones défavorisées dans des intercommunalités plus « puissantes »

Mobiliser les préfets dans le cadre des « schémas départementaux d’orientation de l’intercommunalité », pour des périmètres d’intercommunalités cohérents dans le développement des territoires et efficaces dans la péréquation des ressources entre communes.

Elargir, notamment en Ile-de-France, le périmètre des intercommunalités d’aubaine qui refusent de jouer leur rôle dans l’exercice de la solidarité territoriale en laissant de côté les communes « pauvres » de leur secteur d’appartenance géographique.

Demander à l’Etat de veiller à l’intégration intercommunale de toutes les communes éligibles à la DSU.

2. Renforcer les effets de mutualisation et de redistribution des ressources au sein des intercommunalités

Conforter la Dotation de solidarité communautaire (DSC) reversée par l’intercommunalité aux communes dans son montant et sa répartition.

La DSC, partie décentralisée de la péréquation, dépend trop des contextes politiques locaux et ses critères ne sont pas toujours satisfaisants. Il conviendrait de redéfinir les critères impératifs de calcul de cette dotation, en comptant le revenu pour un tiers, et le potentiel fiscal ou financier pour un deuxième tiers. Son montant devrait représenter un minimum du budget de l’intercommunalité

Renforcer l’implication des intercommunalités dans la politique de la ville, compétence partagée entre commune et agglomération. Cette politique représente environ 1% des financements de l’intercommunalité, mais finance 30% des dispositifs de la politique de la ville. Rendre systématique l’observation des effets des mécanismes de solidarité sur les territoires de l’intercommunalité.

3. Démocratiser l’intercommunalité 

Rechercher un système mixte d’élection qui confère une légitimité démocratique visible aux conseillers communautaires : le gouvernement d’agglomération  souffre aujourd’hui d’un  déficit démocratique au regard des pouvoirs qui sont les siens.

Ile-de-France

Pour de nouvelles polarités urbaines dans les banlieues d’Ile-de-France

La région capitale enregistre les plus forts contrastes entre une concentration de ressources patrimoniales, économiques et financières d’un côté, et de l’autre, des communes pauvres ou des quartiers de relégation à l’écart des réseaux de valorisation individuelle ou collective. Si l’Ile-de-France continue d’attirer de nouvelles populations et des entreprises de dimension mondiale, elle laisse partir une part de sa population pour laquelle elle est devenue trop « difficile à vivre ». A terme, la gentrification de Paris et de la petite couronne rendra le cœur de l’agglomération « interdit  de résidence » aux populations modestes. Les émeutes urbaines de 2005 auront au moins suscité une prise de conscience : le sort des banlieues est vital pour Paris comme pour la région, dont la cohésion sociale et l’attractivité apparaissent désormais en jeu. L’on ne peut donc pas laisser passer l’occasion de la révision du Sdrif et les réflexions ouvertes par la Conférence métropolitaine pour tenter de changer la donne francilienne.

Ce que nous proposons

1. Amplifier la production de logements pour plus de solidarité et de mixité 

Par le lancement de programmes de logements dans les secteurs bien desservis de la région : sur les axes majeurs, autour des gares et des nœuds de transports en commun

Par la réalisation de « vrais » logements sociaux dans les secteurs qui en sont dépourvus : ce qui passe par l’intégration de logements très aidés (PLAI et PLUS et pas seulement PLS) dans les programmes de construction neuve lancés en Ile-de-France, à commencer par l’Ouest parisien et francilien. 

2. Maintenir le mécanisme régional de péréquation des ressources communales à la hauteur des disparités franciliennes

Revisiter le Fonds de solidarité de la région Ile-de-France en cherchant à accroître ses capacités redistributives : abondement global du FSRIF, révision des mécanismes de financement et des critères d’éligibilité.

3. Mobiliser Etat et collectivités autour des sites en difficulté d’Ile-de-France

Les collectivités publiques doivent tomber d’accord sur une liste de sites prioritaires qui exigent un investissement partenarial massif, sans négliger les quartiers qui relèvent de la prévention de ces mêmes difficultés

S’engager ensemble, sur la base de ses moyens et compétences propres, dans les projets de renouvellement urbain et contrats urbains de cohésion sociale 

Mobiliser le secteur privé sur ces sites, à partir de mécanismes contractuels et dérogatoires du type de ceux des zones franches urbaines

Aider à la réalisation rapide des infrastructures, équipements et services faisant défaut en prenant appui sur les projets urbains des collectivités ainsi que sur leurs PRU

4. Peser pour un aménagement polycentrique du territoire francilien

Négocier dans le cadre de la révision du SDRIF, l’aménagement des nouveaux pôles de centralité en petite et grande couronne, ainsi que leur raccordement aux villes périphériques de leur aire de développement.

Assurer la desserte de ces pôles au plan régional et local, et leur liaison avec le cœur de l’agglomération ; réaliser des liaisons de banlieue à banlieue sur les axes de mobilité de ces bassins de vie, notamment pour desservir les zones d’emploi.

Implanter dans ces pôles de grands équipements éducatifs, universitaires et de formation, culturels et sportifs, de santé publique. Avec la même vigilance quant à leur accessibilité locale et régionale.

5. Assurer l’intégration territoriale des secteurs et des populations marginalisés, par le développement de « programmes de développement passerelles »

Favoriser la diffusion des pôles de richesse économique à des bassins de vie élargis : par l’extension des zones d’activité aux secteurs en difficulté, l’amélioration de la desserte des zones d’emploi et la formation professionnelle des personnes à qui ces nouveaux emplois pourraient être proposés.

Permettre aux nouveaux grands équipements de périphérie de remplir leur vocation régionale, nationale ou internationale sans sacrifier l’intérêt à court et moyen terme des populations locales

Organiser, à partir des intercommunalités de projet, des SCOT, des aires de développement vivantes et vivables pour l’ensemble de leurs populations : avec, pour les nouveaux pôles urbains, un degré d’autonomie croissant à mesure que l’on s’éloigne du cœur de l’agglomération.

Logement et habitat

Mettre en oeuvre une politique nationale de logement pour tous

En France, la crise du logement recouvre trois phénomènes aux effets cumulatifs : une difficulté générale d’accès au logement, qui concerne même les couches moyennes supérieures, a fortiori en Ile-de-France ; un manque crucial de logements très sociaux, sous condition de ressources, contribuant à exclure durablement certaines personnes du logement ; une spécialisation de plus en plus forte des territoires, avec une concentration des logements très sociaux dans les mêmes villes ou les mêmes quartiers, délaissés de ce fait par les familles en situation de le faire.

Pour nous, maires de banlieue, il s’agit donc de mettre en oeuvre un droit au logement pour tous ; de privilégier, à travers les politiques publiques, la construction de logements les plus sociaux ; enfin de localiser ces logements sociaux dans les communes qui en sont le plus dépourvues.

Compte tenu de cette situation, aucune collectivité ne peut remplacer réellement l’Etat comme garant de la solidarité sur ce champ.

Ce que nous proposons

1. Construire plus, construire mieux

Encourager la construction de logements et les maires bâtisseurs, afin de tenir l’objectif de réalisation de 400 000 logements par an ; et ceci avec la moitié des logements mis à disposition sous conditions de ressources : ce qui équivaudrait à un accroissement net du parc HLM de 80 000 à 100 000 logements annuels.

Lutter contre l’étalement urbain par une offre de logement attractive à proximité des pôles d’emploi, de services et de transports.

2. Renforcer la politique article 55, afin qu’elle concerne les logements très sociaux

Le développement  du parc social est une nécessité absolue et l’article 55 de la loi SRU y contribue. Mais une réponse réalisée grâce à une production massive de logements accessibles au seuls ménages de catégorie intermédiaire amplifie les difficultés dans les quartiers précarisés. Il faudrait donc :

Réserver les PLS principalement aux sites en renouvellement urbain et aux secteurs tendus. Pour les autres communes relevant de l’article 55, exiger un pourcentage de 25% de logements très sociaux : PLAI et PLUS.

Transférer le Droit de Préemption Urbain à l’Etat et faire que les préfets puissent se substituer aux maires défaillants : s’il y a double carence et si la commission nationale créée par la loi ENL considère  que les explications fournies par les communes ne  sont pas recevables

Maintenir la mutualisation des obligations à l’échelle de l’agglomération (ainsi que le prévoit la loi ENL), mais entre communes soumises à l’article 55.

3. Assouplir la logique des projets de rénovation

Limiter le rythme des démolitions quand cela paraît nécessaire

Favoriser des audits techniques indépendants pour vérifier l’état des bâtiments proposés à la démolition

Faire en sorte que la rénovation urbaine ne soit pas synonyme de sur-taxation des habitants. Obtenir que les locataires devant changer de logement dans le cadre des démolitions voient leur quittance globale maintenue. Ces locataires subissent à la fois aujourd’hui des augmentations de loyer, de charges, de taxe d’habitation.

4. Privilégier l’habitat durable

L’objectif pour les villes de banlieue est double: une plus grande attention à l’impact environnemental de la construction et un souci du confort et de la charge financière imposée aux ménages les plus modestes ( économie d’énergie, intégration paysagère)

Encourager les formes innovantes de l’habitat, en intégrant la HQE et les objectifs d’efficacité énergétique

Réorienter les efforts et les aides de l’Etat sur ces mêmes objectifs, notamment dans les opérations ANRU.

5. Adapter la politique foncière à ces objectifs

Mettre la politique foncière au service de la production de logements aidés. En particulier :

Rendre attractifs les coûts du foncier de l’Etat et des entreprises publiques, pour les communes réalisant un pourcentage significatif de logements sociaux 

Taxer de manière progressive le foncier urbanisable non libéré

Généraliser les Etablissements Publics Fonciers

6. Eradiquer l’habitat indigne 

Etendre le Programme national de rénovation urbaine (PNRU) aux quartiers anciens, en mobilisant ANRU et ANAH. En effet, les politiques de démolition initiées dans le cadre des opérations ANRU ne doivent occulter ni l’intervention sur le parc existant (opérations ANRU et hors ANRU) ni l’intervention sur le parc privé. Or la PALULOS (prime à l’amélioration de logements à usage locatif et à l’occupation sociale) a presque disparu hors secteur de rénovation urbaine.

Lutter contre l’habitat indigne avec le concours de l’ANAH et de l’ANRU, et des procédures appropriées d’expropriation accélérée.

7. Mesures diverses 

Poursuivre la politique de déduction fiscale pour le locatif privé avec :

  • Un minimum de surface (40 m2)
  • Une déduction fiscale forfaitaire sur deux ans
  • Un loyer plafond type PLS + 20%
  • Un revenu plafond PLS

Cohésion sociale

Maintenir et activer les moyens de la politique de la ville

L’économie mondialisée suscite un développement paradoxal :  si les écarts se réduisent entre les grands ensembles continentaux ou entre les nations européennes, les inégalités se creusent au plan local dans des périmètres étonnamment restreints, au sein des aires urbaines, entre les plus riches et les plus pauvres. Et les banlieues ne sont pas à l’origine des difficultés, elles en sont les victimes.

Si la politique de la ville ne suffira pas à régler la question des banlieues, nous pensons qu’il faut la conforter et non la faire disparaître. La politique de la ville sera efficace si elle réoriente les autres politiques publiques nationales et  fait vivre, à l’échelle locale, le réseau des solidarités actives.

Ce que nous proposons

1. Maintenir une politique de la ville spécifique

Pérenniser une politique territoriale co-financée et co-animée par l’Etat, garant de la solidarité nationale à l’égard des plus vulnérables. Et cela avec deux inflexions majeures : une évolution des zonages, et une approche plus globale de questions stratégiques comme le logement et les transports.

Amplifier l’observation des territoires, la capitalisation des ressources d’ingénierie à l’échelle locale, nationale et internationale. Améliorer l’alimentation des collectivités en données, méthodes et outils d’ingénierie. Coordonner les travaux de l’Observatoire national des ZUS animé par la DIV et ceux de l’Observatoire des territoires animé par la DIACT.

2. Mobiliser les moyens de droit commun des différents ministères au service des banlieues et des quartiers

Reprendre au sein de chaque ministère concerné – Travail, Logement, Ville, Equipement, Aménagement du territoire, Education nationale, Intérieur, Justice…- les motifs et les objectifs des lois Borloo pour quantifier les engagements nécessaires

Assurer de façon prioritaire, la correction des inégalités entre les territoires (par la péréquation financière) comme entre les individus (par les politiques de l’emploi, du logement, de l’action éducative, de la lutte contre les discriminations…) pour restaurer la confiance de tous dans le pacte républicain

Contribuer à la dynamisation des territoires et des hommes, par l’investissement nécessaire à un renversement des logiques de disqualification (grands projets d’équipement / moyens et projets éducatifs ambitieux…) et à un changement d’image des quartiers en difficulté

3. Favoriser la citoyenneté en confortant la vie associative et la participation démocratique

Faire reconnaître la valeur de la vie associative, vecteur privilégié de participation… alors que beaucoup d’associations ont été fragilisées par des coupes budgétaires, des retraits de subventions, ou des exigences administratives absurdes.

Faire en sorte que des dispositifs de dialogue soient mis en place partout… sans demander aux habitants des quartiers d’habitat social plus qu’à ceux du centre ville dans le registre de l’exigence participative.

Education

Conforter et diversifier les moyens de la réussite éducative

L’on discute aujourd’hui de la carte scolaire sans s’alarmer de ce dont elle témoigne : une montée en puissance de la ségrégation résidentielle. L’on doit donc tenter de corriger à la marge le phénomène, en redessinant autrement la carte. Mais l’on doit surtout s’attaquer à la fois aux ségrégations résidentielles et scolaires, avec des instruments appropriés aux inégalités à l’œuvre. Sans rêver d’une mixité sociale à court terme, les maires des villes de banlieue sont prêts à relever le défi de la réussite scolaire et professionnelle des élèves de leur commune… mais avec les moyens collectifs de l’excellence éducative ! C’est  la condition pour répondre aux difficultés d’apprentissage et d’acculturation, au décrochage et à l’échec scolaires.

Ce que nous proposons

1. Développer l’excellence éducative en banlieue

Implanter des filières valorisantes et de prestige dans les communes en difficulté : classes préparatoires, universités, établissements supérieurs. Développer les partenariats avec ces établissements pour y faire entrer des élèves de ces communes, sur la base d’une information et d’une préparation spécifiques

Primer les jeunes enseignants qui s’engageraient au bout d’un an d’expérience, à demeurer dans un établissement ou une zone « sensible », comme les enseignants très diplômés et expérimentés s’engageant à y rester ou à y revenir pour une période d’au moins 5 ans : bonifications de salaire, avancements de carrière, points de retraite, allègements d’horaires, primes à la formation, ou aides au logement ou au transport.  Rétribuer également l’innovation pédagogique et l’engagement des équipes dans des logiques de projet éducatif ouvert sur la ville, valorisant l’ensemble de l’espace urbain

Proposer à des personnalités du monde de la recherche, de l’art, de la science, du sport, de parrainer un établissement difficile : et de s’engager à y intervenir sur une période donnée pour stimuler le goût d’apprendre et l’initiative pédagogique.

2. Tenir l’objectif de la mixité sociale à l’école 

Développer l’offre éducative dans les établissements de banlieue (voir ci-dessus)

Réaffirmer la valeur de la carte scolaire en révisant son périmètre pour que le rayon de recrutement des établissements couvre un spectre de populations socialement plus diversifié. Implanter, dans la même logique, les nouveaux établissements dans des secteurs géographiquement et socialement intermédiaires.

3 Amplifier la lutte contre l’échec scolaire et soutenir la parentalité

Maintenir les classes et sanctuariser les moyens des établissements en ZEP, REP ou labellisés « ambition réussite », même en cas de baisse des effectifs scolaires, comme cela se produit souvent dans le cadre du renouvellement urbain. Interdire le déclassement des ZEP qui réussissent. Amplifier les moyens des établissements en ZEP ou REP : par exemple, limiter le nombre moyen d’élèves par section à 20 et développer le soutien en très petits groupes. Concentrer les moyens d’intervention sur les apprentissages fondamentaux de l’école primaire et du premier cycle du collège

Accélérer la mise en place des dispositifs personnalisés de « réussite éducative » (soutien scolaire individualisé, prise en charge sanitaire et psychologique, internats de réussite éducative) en y impliquant activement les établissements d’enseignement. Répondre à la rupture scolaire par une offre de parcours alternatifs et de dispositifs personnalisés organisés à l’intérieur des établissements scolaires

Proposer des dispositifs de soutien aux parents des enfants en difficulté personnelle, comportementale ou scolaire. Inciter à la constitution de groupes de parents, via les associations de parents d’élèves ou les autres associations. Développer l’accueil et « la participation partenariale » des parents à l’école : guides de l’accompagnement scolaire, plages de dialogue instituées, parents-relais…

4. Préparer la sortie du système scolaire obligatoire et multiplier les dispositifs de « deuxième chance »

Anticiper au collège, avec les enfants et les familles, le devenir de ceux qui s’apprêtent à mettre un terme à leur formation à 16 ans. Instaurer un livret d’orientation 15/25 ans consignant la réflexion individuelle sur le devenir scolaire et professionnel, le cursus de formation suivis par le jeune, mais aussi des stages, des expériences professionnelles et sociales, de tous ses acquis, savoir faire… Objectif : ne plus laisser un jeune quitter le cursus scolaire obligatoire sans une passerelle établie avec l’univers professionnel. Condition de réussite : que les partenaires sociaux (éducation, formation, entreprises, collectivités publiques) s’en fassent une obligation.

Multiplier les expériences d’« écoles de la deuxième chance » pour proposer aux 16/25 ans sortis sans diplôme du système de la scolarité obligatoire d’acquérir une formation qualifiante. Puisque perdure chez nous un système scolaire bâti sur des processus de tri négatif et d’élimination en cascade, il faut re-pêcher, ré-insérer les « éliminés », à partir de nouveaux contrats éducatifs, dans la dynamique gagnante formation-activité.

Prévention et sécurité

Des règles claires, des moyens forts, des réponses durables

Au-delà de la famille et de l’école, la prévention de la délinquance résulte de l’action des communes : non seulement par les aides et moyens fournis aux parents et aux enseignants, mais par les politiques publiques permettant aux jeunes d’apprendre à vivre en citoyens. Action sanitaire et sociale, éducation, culture, sports, loisirs… fabriquent au quotidien une prévention de la délinquance  durable. Le rôle du maire est là et nous refusons d’en faire un shérif local.  Cette dérive serait porteuse d’un triple risque : pour le maire, pour la tranquillité publique dans sa commune, et pour le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs. Que l’on s’en tienne donc à la stricte partition des compétences dans l’action collective. Pour le reste, nous demandons une réponse forte à la délinquance des jeunes : des moyens de prévention adaptés à la pauvreté des quartiers, une police qui ne confonde pas surveillance et harcèlement, des peines qui respectent le devoir d’éducation, des structures de rétention adaptées à leurs publics.

Ce que nous proposons

1. Permettre au maire de coordonner effectivement les dispositifs de terrain

Confier au maire la coordination effective du dispositif local puisqu’il est le mieux à même de garantir la continuité de l’action publique entre prévention de la délinquance et maintien de la sécurité publique. Mais il faut lui reconnaître une place centrale dans le réseau des partenaires de la prévention : acteurs du travail social, Département, CAF, et bien sûr, Police, Justice et Education nationale, bailleurs de logements et transporteurs… Alors, le partage de l’information stratégique entre ces acteurs devient impératif, comme la restitution au maire de l’action de chacun d’entre eux.

2. Renforcer les dispositifs éducatifs de prévention

Développer la prévention primaire dès la petite enfance, à l’école et autour de l’école, l’encadrement socio-éducatif en général, et le soutien à la parentalité, car ces dispositifs additionnés ont démontré leur efficacité

Professionnaliser et pérenniser les métiers et fonctions de la médiation : médiateurs sociaux, agents de prévention, de médiation ou d’ambiance dans les espaces publics, correspondants de nuit

Ne pas réprimer sans éduquer les jeunes délinquants : refuser l’enfermement, carcéral ou hospitalier, comme remède universel aux troubles de l’ordre social ; et, parce qu’elles manquent cruellement, réaliser des structures fermées destinées aux jeunes de façon  nouvelle et différenciée de celles destinées aux adultes

Renforcer la valeur éducative des sanctions, notamment celles s’adressant aux mineurs : réparation pénale, travaux d’intérêt général et toutes alternatives à l’incarcération. S’agissant des TIG, ne pas se contenter de donner l’agrément aux communes mais leur donner surtout, via le CNFPT, les compétences professionnelles permettant aux fonctionnaires territoriaux d’accompagner les jeunes qui leur seraient envoyés.

3. Renforcer en qualité et en quantité les forces de sécurité, redéployer territorialement les moyens de la police et de la justice

Revoir la formation des forces de police affectées aux quartiers difficiles pour leur permettre de mieux tenir leur rôle dans la prévention de la délinquance, l’exercice de l’autorité vis à vis des jeunes, la gestion des conflits, l’instauration d’un lien de confiance entre la population et sa police

Affecter des effectifs suffisants au service de la tranquillité urbaine pour permettre à la police d ‘assurer aussi bien la dissuasion de la délinquance que l’investigation des faits commis et  l’interpellation des personnes suspectées.

Répartir ces effectifs de façon plus adaptée à la géographie de l’insécurité et de la délinquance. Toutes les communes en difficulté, y compris périphériques, doivent disposer de commissariats de police et de capacités humaines suffisantes. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, en dépit de leur contribution aux charges de logement ou d’équipement de la police nationale… En aucun cas le développement des polices municipales ne doit justifier le désengagement de l’Etat.

Réactiver les Maisons de la justice et du droit (MJD), instruments efficaces et rapides dans le rappel du droit comme dans le traitement des incivilités : comme réponse éducative et pénale à la délinquance.

4. Réinventer la police de proximité pour assurer la continuité de l’action publique entre prévention et répression

Dans son action de proximité, la police doit pouvoir prévenir par la dissuasion un certain nombre d’infractions et intervenir sur davantage de faits. Elle doit contribuer à sécuriser visiblement l’espace public que constitue la rue. Elle doit enfin permettre de rapprocher la police du terrain de la délinquance, de retisser des liens de confiance avec la population, et des relations de respect mutuel avec les jeunes.

Insertion et emploi

Pour l’insertion professionnelle et sociale de toutes les personnes sans emploi

Il faut rétablir deux vérités sur le chômage et l’accès à l’emploi dans les banlieues.

D’une part, ces questions s’y posent avec plus d’acuité qu’ailleurs parce que les niveaux de formation y sont souvent très bas, et que les difficultés « d’employabilité personnelle » se doublent souvent de problèmes de logement, de santé ou de mobilité. Situation face à laquelle les communes ne disposent que de moyens d’action limités et relatifs.

D’autre part, il faut cesser de croire à l’existence d’un seul et même public en difficulté car il existe au moins trois catégories de populations auxquelles il faut apporter des réponses spécifiques et différenciées : les jeunes sortis du système éducatif sans diplôme ou avec de très faibles niveaux de qualification ; les « actifs » précaires, chômeurs intermittents, temps partiels contraints, travailleurs pauvres ; et les jeunes diplômés, de plus en plus nombreux, que les discriminations à l’embauche empêchent d’accéder à l’emploi.

Pour ces trois publics, nous réclamons à la fois une politique globale d’aménagement et de développement à l’échelle des agglomérations (cf. chapitre 2) ; et une politique spécifique d’insertion et d’accès à l’emploi à l’échelle des quartiers et des ZUS.

Ce que nous proposons

1. Mieux organiser et coordonner les politiques d’insertion

Rapprocher les services économiques et des services sociaux des collectivités, et ceux-ci des entreprises elles-mêmes, pour faciliter l’insertion professionnelle et sociale des personnes éloignées de l’emploi

Accélérer la réalisation des Maisons de l’Emploi prévues par le Plan Borloo, avec une réflexion sur leur lieu d’implantation et une implication de tous les partenaires de l’emploi ; en veillant enfin au non-désengagement de l’Etat de ces structures

2. Revitaliser ces mêmes politiques d’insertion

Recenser les opportunités d’emploi et de formation offertes par les opérations de renouvellement urbain et leur articulation avec les PLIE d’agglomération : jouer sur les clauses d’insertion des marchés publics pour favoriser la formation et l’emploi des jeunes en difficult

Redonner une dimension réelle et opérationnelle au dispositif d’insertion censé accompagner le versement du RMI

3. Relancer les contrats aidés pour les jeunes très éloignés de l’emploi

Prolonger le dispositif des emplois jeunes, contrats d’avenir et autres contrats aidés parce que seul l’emploi public ou para-public – direct ou indirect, par le biais d’associations, de coopératives ou d’entreprises prestataires de services d’intérêt général – paraît, dans un premier temps, en mesure de répondre à deux enjeux  :

Satisfaire aux besoins des populations, notamment en termes de prévention, de médiation, d’éducation et de loisirs, en assurant des services eux-mêmes producteurs de lien social

Restaurer l’employabilité d’un certain nombre de jeunes et de personnes très éloignées de l’emploi et qui ne peuvent espérer trouver d’emblée de stage ou de travail en entreprise.

3. Requalifier les territoires en déshérence économique

Poursuivre, évaluer et au besoin étendre le dispositif des ZFU

Amplifier les moyens de l’EPARECA en simplifiant ses procédures d’intervention pour faciliter la relance du commerce dans les ZUS

Privilégier l’économie sociale et solidaire, les emplois de services et ceux qui combinent réinsertion des personnes et requalification des quartiers

5. Aider les jeunes diplômés des quartiers

Amplifier la lutte contre les discriminations à l’embauche en généralisant les méthodes et les acquis des dispositifs de type ESPERE : « engagement du service public de l’emploi pour la réussite et l’égalité des chances »

Accompagner, par des dispositifs spécifiques, les jeunes diplômés des quartiers à la recherche d’un premier emploi (notamment par des parrainages individualisés). Aider les créateurs d’entreprises potentiels par des exonérations de charges

Laïcité, parité, lutte contre les discriminations

Pour une régénérescence républicaine et démocratique à partir des banlieues

Parce qu’elles sont historiquement des lieux d’accueil et d’immigration, les banlieues sont les laboratoires vivants de la multiculturalité et de l’identité française en gestation. Dès lors, soit l’on misera sur l’organisation communautaire pour pallier les défaillances de l’intégration, au risque du développement séparé, voire de l’affrontement religieux ou culturel ; soit l’on cherchera partout – à l’école, à l’hôpital, dans l’espace public ou l’entreprise – à rassembler autour d’un projet démocratique partagé, fondé sur l’humanisme laïc : pour que chacun puisse avec les mêmes chances, trouver librement sa place dans une société ouverte, riche de sa diversité acceptée.

Laïcité

Ce que nous proposons

1. Défendre la laïcité, la neutralité de l’espace public et des services publics

Enseigner et expliquer la laïcité, faire valoir ses bénéfices pour la collectivité, rappeler ce qu’elle apporte dans sa neutralité même, à la liberté et à la fraternité : car la laïcité rassemble, protège le bien commun, donne accès à l’universel alors qu’elle est de plus en plus présentée par ceux qu’elle oblige comme une source d’oppression ou d’empêchement.

Défendre la laïcité dans les services publics : édicter des règles claires pour enseigner et vivre ensemble à l’école, dans une logique d’émancipation individuelle, mais aussi à l’hôpital, ou dans les administrations ; accorder des aménagements permettant aux croyants de pratiquer leur foi sans transiger sur les principes de neutralité, d’égalité des citoyens, de non-différenciation des sexes… ainsi que le propose le groupe de travail présidé par André Rossinot (rapport du 13 septembre 2006) ou que certaines municipalités l’ont mis en œuvre à travers des guides à l’usage des agents territoriaux.

2. Instaurer, à l’école et dans la cité, un enseignement civique universel du fait religieux 

Promouvoir la diversité culturelle et le dialogue entre les civilisations afin que l’espace public redevienne un espace de tolérance, d’enrichissement collectif, de pacification des relations sociales

Apprendre à connaître la culture des autres pour décrypter les enjeux du monde et mieux vivre ensemble. Combattre ainsi l’ignorance et la méconnaissance mutuelles qui confortent les incompréhensions, les préjugés et les accusations les moins légitimes.

Parité

Ce que nous proposons

1. Instaurer dans les villes, un rapport annuel sur la situation comparée des femmes et des hommes (hiérarchie, catégories, salaires)

Fixer des objectifs de progrès et imposer une mesure objective, régulière, partagée de l’évolution de la situation : le baromètre lui-même devant être conçu avec la participation des personnels ou de leurs représentants.

2. S’appuyer sur les institutions et politiques publiques pour susciter à l’échelle locale, une société effectivement paritaire

S’appuyer sur l’exemplarité de l’institution municipale pour contractualiser avec les acteurs adoptant la même démarche : établissements via les aides publiques, entreprises via la commande publique, associations via les dossiers de subvention.

3. Poursuivre la réforme des règles électorales vers une meilleure représentation des femmes dans la vie publique locale et territoriale

Imposer la parité dans les exécutifs des villes, intercommunalités, départements et régions : pour passer d’une parité institutionnelle à une parité démocratique, de la prise de décision elle-même.

Lutte contre les discriminations

Ce que nous proposons

1. Lancer un débat public national, avec campagnes d’information et de sensibilisation

Provoquer une prise de conscience générale et une mobilisation de la société tout entière, une dynamique d’initiatives multiples à travers le pays

2. Affecter des moyens publics d’Etat aux collectivités  (moyens intellectuels, techniques, institutionnels et financiers) 

Développer les actions nécessaires au plus près des publics et des personnes concernées : information, formation d’acteurs, organisation et management de la diversité…

3. Engager les communes de banlieue sur la diversité

Lancer une Charte de la diversité ou signer celle lancée en 2004 par l’Institut Montaigne pour les entreprises

Commencer à réformer les pratiques de l’administration publique locale: logement, recrutement, gestion des carrières…

4. Mobiliser transversalement les institutions présentes dans les agglomérations

Conformément à l’esprit de la loi de cohésion sociale et à la mise en place de l’ACSE, travailler localement sur l’ensemble des territoires (communes, agglomérations) et pas seulement sur les quartiers en ZUS. A ce titre, la matrice des CUCS (ville/Etat pouvant associer d’autres partenaires) constitue un outil privilégié.