Les habitants de Kingersheim respirent grâce à leur Poumon vert

La commune de Kingersheim s’appuie sur la démocratie participative lorsqu’un projet, à l’initiative d’un élu ou d’un habitant, voit le jour. Le développement du Poumon vert a suivi ce processus. Après la tenue du forum public d’information en janvier 2016, un conseil participatif thématique pour l’aménagement du poumon vert a été créé. Il était destiné à conduire une réflexion concertée entre élus, habitants et responsables associatifs autour des actions à mettre en oeuvre pour relier le parc des Gravières à la zone des étangs et offrir aux habitants un espace vert de 80 hectares. Le succès est là : aujourd’hui, les kingersheimois bénéficient de trois promenades familiales et sportives orientées sur la découverte et la préservation de la biodiversité locale.

Pourquoi ?

Le projet du Poumon vert s’inscrit dans le cadre de l’Agora 15-20 de Kingersheim : élever la participation démocratique à un haut niveau de qualité, notamment par l’inclusion d’un maximum de personnes dans ces procédés durant le mandat 2015-2020 du maire Jo Spiegel : donner le pouvoir d’agir et, par ce biais, responsabiliser chacun à la nécessité d’entretenir et valoriser le bien commun et remettre l’intérêt général au cœur des débats.
La zone des étangs du ban de Kingersheim était inexploitée et ce sont des habitants qui ont émis le souhait de la réhabiliter et d’en faire un lieu de promenade public. Aujourd’hui les sentiers sont balisés et entretenus conjointement par des bénévoles et l’équipe technique de la commune.

Comment ?

L’Agora 15-20, assemblée hybride composée de quatre collèges d’agoracteurs (élus, représentants associatifs, collaborateurs et habitants. Ces derniers composant le collège majoritaire), suit un processus démocratique rigoureux : information et réunions publiques, constitution de groupes thématiques, restitutions régulières auprès des habitants grâce à différents supports de communication web et papier, puis soumission au Conseil municipal des propositions des groupes de travail. Une fois la proposition de Poumon vert validée par le Conseil municipal, les initiateurs du projet ont bénévolement réalisé le tracé, le balisage et les panneaux informatifs et ludiques de trois circuits « nature » accessibles à leurs concitoyens. Attentifs aux questions écologiques et à la préservation des écosystèmes existants ils ont réalisé un recensement de la biodiversité locale et proposent des balades guidées autour de la faune et la flore du Poumon vert.
Par le biais de l’association Créa, six jeunes de quartiers différents ont également été sollicités pour peindre une fresque murale d’une quarantaine de mètres sous le pont qui traverse le Poumon vert et les bénévoles ont participé à la rédaction du livret de balade.

Quel bilan ?

Un premier totem témoin en métal avait été installé en 2017 et l’emplacement définitif des totems a été choisi après une phase de test. 7 totems de 3 mètres ont été installés à chacune des entrées du Poumon Vert au début du printemps 2018 qui a également vu l’aménagement d’une clairière en face du ParK des Gravières. Cette trouée invite à aller découvrir les étangs et les promenades. Les totems jouent bien leur rôles : ils attirent déjà l’attention des promeneurs et des cyclistes qui s’arrêtent pour consulter les plans qui y sont apposés.

Le projet en photos

Interview de Myrna Jacquin, adjointe au Maire, chargée de l’embellissement de l’espace public

Le Poumon vert est un projet qui entre dans le cadre de l’Agora 15-20, il s’agit d’une initiative citoyenne ? Qui est à l’origine de l’aménagement de cet espace naturel ?

« Plus qu’une ville, Kingersheim est une ruche d’idées et d’initiatives. Nous avons tous nos avis, nos envies. Nous sommes tous sensibles au mieux vivre ensemble. » C’est là l’introduction de la consultation citoyenne qui a été menée durant l’été 2015, et qui constitue l’acte 1 de l’Agora 15-20 dont l’enjeu et le sens sont la mise en mouvement des citoyens, l’échange d’idées, la réflexion partagée, la liberté de s’exprimer et de s’engager.

A travers le questionnaire proposé aux citoyens, des thèmes divers ont émergé. Celui qui a été le plus largement plébiscité fut l’aménagement de promenades vers la zone des étangs dans le prolongement du ParK des Gravières, ce qui souligne l’intérêt que portent les Kingersheimois à leur cadre de vie et au respect de l’environnement dont ils sont aussi les garants.

Cette démarche s’inscrit dans la tradition de la démocratie de participation dont Jo Spiegel, maire de Kingersheim est l’initiateur : « avec Agora 15/20 dit-il, le pouvoir d’agir des habitants a franchi un nouveau saut qualitatif. Grâce à ce petit groupe de Kingersheimois, une pierre à l’édifice du mieux-être environnemental et social est posé ». L’enjeu est de créer des espaces de discussion et de consultation, de permettre aux habitants investis de s’approprier leur devenir et celui de leur commune, de participer à l’amélioration de leur cadre de vie, de s’emparer des idées et des projets et de croiser leurs points de vue avec ceux des experts et des élus. Vous l’aurez compris, nous sommes dans une démarche de co-construction, où chacun a le droit de s’exprimer, dans un esprit respectueux et constructif.

Pensez-vous que 80 hectares de nature, librement accessibles, changent le regard que les habitants portent sur leur commune ? 

Le Poumon vert de Kingersheim est comme une perle cachée dans une huître. Il faut aller à sa découverte et nombreux sont les Kingersheimois qui ignoraient, et ignorent encore parfois, l’existence de cet écrin de verdure de 80 hectares au cœur même de leur ville péri-urbaine. Certains parcourent des kilomètres pour s’oxygéner en forêt alors qu’à quelques centaines de mètres de chez eux, s’offrent de multiples promenades, balisées par les agoracteurs du Poumon vert d’une part, et par le club Vosgien d’autre part.
Alors oui, pour répondre directement à votre question, cette nature rendue à ses habitants changera le regard des Kingersheimois sur leur commune par la découverte de la biodiversité locale et du patrimoine aquatique et forestier, par la possibilité de dépaysement à l’intérieur de sa commune et grâce aux promenades accessibles à tous, depuis la signature de conventions avec les propriétaires des parcelles traversées.
Des temps forts ont été organisés afin de faire connaître cette zone. Ainsi, en septembre 2016, dans le cadre des Journées européennes du patrimoine, les habitants ont été invités à découvrir le cœur vert de Kingersheim lors d’un rallye découverte organisé par les agoracteurs. Ont suivi le rallye : une marche gourmande, une marche populaire, des balades contées et de multiples sorties thématiques pour découvrir la biodiversité localeLes agoracteurs ont présenté le poumon vert et ses circuits aux différents conseils d’écoles de la commune ainsi qu’aux associations sportives. Autant de passerelles et de partenariats locaux qui permettront aux lieux de vivre et de bien vivre.

Comment se déroule la « gestion mixte » entre habitants bénévoles et équipes municipales et techniques ?

La démocratie de participation n’a pas vocation à se substituer ou à s’opposer à la démocratie électorale, mais à l’enrichir. Nous ne sommes pas dans l’addition des envies mais dans une construction de projet cohérente. D’où l’importance de fixer le périmètre démocratique dès le départ. Ce périmètre a pour but de définir les finalités, valeurs et objectifs de la démarche. Il déterminera les éléments négociables du projet et ceux qui ne le sont pas, les cadres budgétaire, technique ou juridique notamment. Sans oublier la dimension environnementale. Il s’agit de ne pas de perturber l’écosystème et chacun se devra de respecter cette forêt protégée.

Les citoyens engagés comprennent bien ces enjeux. « C’est une approche dans le bon sens, qui fait avec les gens. Des gens de conviction différentes qui viennent avec leur propre vision du monde et qui utilisent la force de l’intelligence collective » (paroles de Steve, un agoracteur).

Plus concrètement, des réunions régulières sont organisées par le groupe projet, constitué par les agoracteurs, l’élue et les techniciens. C’est la fabrique à idées, à suggestions, à projets. Ce groupe projet réunira ensuite l’ensemble des citoyens impliqués pour débattre, enrichir, fertiliser les points de vue. L’élue référente du projet est là pour mettre ou remettre du sens dans la démarche. Les agents municipaux et les experts sont présents pour répondre aux questions techniques, réglementaires, matérielles et approuver la faisabilité de chaque projet.

Les groupes formés ont forcément évolué dans le temps, en fonction de l’histoire de chacun, de ses disponibilités, de la place qu’il ou elle a pu trouver dans son groupe.
Des visites sur site ont été programmées ainsi que des rencontres avec des partenaires compétents dans les sujets à traiter. Tout projet est soumis à l’accord final de la municipalité et, le cas échéant, fera l’objet d’une restitution régulière : site Internet, Kingersheim Magazine, communication spécifique ou encore réunions publiques.

Les objectifs ont été d’emblée posés et validés par l’ensemble des participants :
– respecter la nature et la biodiversité
– permettre la coexistence des différents publics et susciter le « vivre ensemble »
– faire connaître les lieux, les valoriser et les animer

La démocratie de participation est une démocratie exigeante qui nécessite clarté, transparence et fermeté dès le départ. Rappeler à chaque réunion les évidences citées ci-dessus afin d’éviter les dérives inévitables de l’entre-soi ou la conduite d’un projet d’intérêt personnel est incontournable. Il faut passer du JE important au NOUS indispensable.

A titre d’exemple, les habitants ont réalisé des diagnostics en groupe, des visites de repérage, que ce soit pour le balisage, l’animation ou la biodiversité puis ont échangé ensemble en présence des élus et agents municipaux pour arriver à une position qui se doit d’être consensuelle. Les projets sont ensuite proposés et acceptés par la Municipalité qui peut être amenée à recadrer une dérive éventuelle (financière, technique, de sens). La démarche inverse est possible aussi quand le groupe projet convainc les élus d’une action qui peut manquer de cohérence ou de pertinence.
La municipalité a par exemple imposé dans l’aménagement, une zone de pique-nique en bordure de la rue de Pfastatt et le groupe a dû renoncer au barbecue, à l’aménagement d’aires de pique-nique dans la forêt même ainsi qu’à une aire de jeu de proximité.
Les travaux nécessaires à l’aménagement du Poumon vert sont menés par les citoyens « faiseux », en collaboration avec les agents de la ville. Des chantiers citoyens sont programmés toute l’année pour baliser, nettoyer, débroussailler. Les travaux plus complexes sont à la charge des experts et l’ONF reste un partenaire privilégié, régulièrement consulté.
C’est d’ailleurs devant le Conseil Municipal de septembre 2017 que les membres du groupe projet sont venus présenter l’avancée de leurs projets à l’assemblée.
La démarche peut sembler longue à certains. Mais il est important de laisser à chaque idée émise un temps de maturation, qui permet, et j’ajouterai, qui oblige, chacune et chacun à se poser les bonnes interrogations, à se remettre en question, à justifier les choses. C’est une évolution dans les pratiques, pour les élus, les services municipaux et les citoyens engagés. C’est un éloge nécessaire à la lenteur.

Quel est le coût pour la commune de l’aménagement et de l’entretien du poumon vert ? 

La Ville s’est donné une limite de budget Agora 15-20 de 5% du budget d’investissement soit environ 20 000 €/an (toutes actions confondues, les crédits étant comptabilisés en fonctionnement ou investissement).
Les contraintes budgétaires invitent tous les acteurs de la démarche à faire preuve de créativité et de sobriété afin que les dépenses ne soient pas superfétatoires. Tous les projets élaborés et proposés par les agoracteurs ne peuvent donc être menés à terme, ce qui génère bien entendu des frustrations.
A ce jour, moins de 20 000 euros ont été dépensés pour les peintures, balises, totems, tables de pique-nique, abattage d’arbres pour la sécurisation des lieux. Ne sont pas comptabilisés dans ce chiffrage la conception et réalisation du livret téléchargeable, des différents flyers édités et surtout le temps consacré par les agents municipaux qui sont dédiés au projet. Il ne serait que justice de souligner aussi les innombrables heures des citoyens bénévoles.

La liaison avec le ParK des Gravières s’est-elle faite naturellement, les Kingersheimois ont-ils investi cet espace ?

Dès sa conception, le ParK des Gravières, espace de nature multigénérationnel dédié à la détente et aux loisirs, se veut d’être l’avant-scène d’une zone verte de 80 hectares, située géographiquement au cœur même de la commune de Kingersheim. La liaison avec le Poumon Vert ne se fait pas encore naturellement aujourd’hui, puisque qu’une rue sépare ces deux zones. Des aménagements sont donc nécessaires tant pour la circulation douce que pour la signalétique.
La prise en compte de cette problématique a commencé doucement en été 2015. Elle a nécessité une meilleure connaissance des lieux et de l’environnement. Des réflexions ont été menées en amont des actions concrètement visibles sur le terrain. On peut citer le débroussaillage, la sécurisation et le balisage du cheminement, la cession de certains terrains, la mise en peinture de sculptures, la création par des jeunes d’une fresque, la conception et mise en place de panneaux municipaux, la peinture au sol d’empreintes de pas et de libellules guidant vers les entrées du Poumon Vert, le déplacement d’un passage piéton, etc.
Les tables de pique-nique seront très prochainement mises en place et elles accueilleront les Kingersheimois lors de la journée citoyenne pour le grand barbecue traditionnel.
De plus, le feu d’artifice du 13 juillet sera orienté de façon à promouvoir cet espace qui sera, pour l’occasion, éclairé. Compte tenu du nombre de personnes présentes à ce bal populaire, cela pourra avoir un effet important quant à la fréquentation à venir.
On espère que l’organisation d’une course sportive pourrait donner aussi l’occasion à tout un chacun de découvrir le lien qui existe entre la Ville et le Park et trame verte et bleue de ces promenades. Une fois que c’est connu, c’est gagné.
Le Poumon vert n’attire certes pas encore les foules. Mais est-ce bien là l’objectif unique ? N’oublions pas que la forêt est avant tout un lieu protégé, un havre de paix et de sérénité où chaque citoyen peut venir en toute quiétude se ressourcer, se promener, se dépenser. Respirez, vous êtes à Kingersheim !

Fiche d'identité de la communeLe projet en chiffresPour aller plus loin
  • Commune : Kingersheim
  • Département : Haut-Rhin (68)
  • Région : Grand-Est
  • Population : 13 143 habitants
  • Maire : Jo Spiegel (sans étiquette)
  • Site internet : www.ville-kingersheim.fr
  • plus de 40 espèces (botaniques et oiseaux) recensées lors de la promenade découverte d’avril 2018
  • 80 hectares d’espaces naturels accessibles
  • 20 000 de budget pour une gestion sobre