Le quartier Champberton à Saint-Martin-d’Hères, en pleine mutation, vers un renouvellement urbain durable

© Ville de Saint-Martin-d’Hères.

Situé à la liaison entre le nord et le sud de la ville de Saint-Martin-d’Hères, le quartier Champberton-Renaudie est plutôt bien relié au reste de la ville. Autrefois détenu par un bailleur privé qui ne l’avait pas fait évoluer, ce quartier était en situation de dégradation et d’isolement.

Dès la fin des années 90, la ville de Saint-Martin-d’Hères a engagé une réflexion sur le devenir de l’ensemble Champberton. Le constat d’une copropriété très dégradée a conduit la ville à se porter acquéresse d’une vingtaine de logements, et de l’ensemble de la barre commerciale totalement abandonnée, le reste du parc immobilier étant acquis par des bailleurs sociaux.

Voulant apporter une dimension sociale et environnementale à ce projet de renouvellement urbain, la ville va articuler son nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) autour de deux axes stratégiques. Tout d’abord, une stratégie de requalification des équipements publics, de reconquête des espaces extérieurs et des pieds d’immeubles sera menée. En parallèle, une stratégie de qualité de l’habitat et de mixité sociale sera développée.

Grace au nouveau contrat de ville 2015-2020 prolongé jusqu’en 2027, le quartier Champberton va bénéficier du financement d’actions en faveur de la cohésion sociale et urbaine. La ville de Saint-Martin- d’Hères ainsi que l’ensemble des partenaires financiers que sont, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), le constructeur et bailleur social Pluralis, la Caisse des dépôts et consignations, Action logement, la Région Auvergne Rhône-Alpes, l’état et le département, vont volontairement assumer un chantier de grande taille pour redonner à ce quartier l’attractivité qu’il mérite.

 

Pourquoi ?

En tant que site stratégique en termes démographique et économique pour le développement global de l’agglomération, le quartier Champberton devait être au cœur d’un programme de renouvellement urbain d’intérêt régional (PRIR) avec pour objectif de transformer durablement le visage du quartier en politique de la ville (QPV) à l’horizon 2020.

Négligés pendant plusieurs décennies, les habitants vont être confrontés à une réalité complexe, hétérogène et difficile, car marquée par des manques en termes de ressources économiques, sociales et culturelles. Redonner vie à ce territoire en le modernisant et en développant des services de proximité pour le rendre plus attractif était inscrit dans le projet du territoire.

 

Comment ?

La réalisation de ce projet a nécessité une mobilisation constante de l’ensemble de tous les partenaires impliqués. Il a fallu apporter systématiquement des solutions à tous les freins réglementaires, législatifs et financiers que soulève un projet de cette dimension.

Le projet et ses actions sont développés dans le cadre du contrat de ville et de ses objectifs de développement social. C’est donc tout naturellement qu’a été fait le choix d’intégrer les habitants dans les différents projets de rénovation de leur cadre de vie. Des réunions de concertations ont donc été organisées dès les prémisses du projet. Répondre aux besoins du quotidien par une veille constante a permis de développer une offre de solutions adaptées.

Une première étape de renouvellement urbain a consisté à rénover et construire de nouveaux logements (ZAC centre, La Plaine – Chanas, Renaudie) permettant d’augmenter la mixité et de réaliser des espaces publics pour la vie quotidienne (école, équipement sportif, la place du marché, le parc Jo Blanchon…).

Ce renouvellement s’inscrit dans une vision à long terme. Une place importante est donnée aux volets éducation, emploi, formation, tranquillité, propreté. Un travail est également effectué sur la qualité des espaces publics et privés, le stationnement, la gestion des déchets et le réaménagement des commerces.

D’autre part, un accompagnement est mis en place dans l’amélioration du bâti, par la réhabilitation des copropriétés privées et des maisons individuelles, à travers différents dispositifs, pour répondre à des exigences d’économies d’énergie et de lutte contre le réchauffement climatique.

 

Quel bilan ? 

En matière d’habitat, d’équipement public et d’aménagement des espaces extérieurs, le quartier autrefois en situation de forte dégradation et d’isolement a retrouvé un cadre de vie apaisé. Il connaît également un changement radical d’image dans l’opinion.

Aujourd’hui, le renouvellement urbain du territoire a permis au quartier Champberton de bénéficier d’une attractivité territoriale qui lui donne toute sa place au sein de la ville et de la métropole.

Ce projet, c’est la rénovation d’un ensemble de 353 logements, une consommation énergétique moyenne par logement qui devrait passer d’un niveau de catégorie F (331 à 450 kWh ep/m² /an) à un niveau B (entre 51 et 90 kWh ep/m² /an) et sur un plan humain, un retour à la dignité pour des habitants longtemps délaissés, le tout sans augmentation de loyer pour les locataires.

 

Le projet en photos

 

Quartier Champberton de la Ville de Saint-Martin-d’Hères.

© Ville de Saint-Martin-d’Hères.

 

 

L’interview de Mme Marie-Christine LAGHROUR, adjointe à l’habitat et la politique de la ville et de M. Brahim CHERAA, adjoint à l’aménagement, l’urbanisme et les travaux.

Mme Marie-Christine LAGHROUR, adjointe à l’habitat et la politique de la ville.

M. Brahim CHERAA, adjoint à l’aménagement, l’urbanisme et les travaux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1) Quel était le projet de départ ? Tout détruire et tout reconstruire ? Actuellement, le projet est de réhabiliter et de construire de nouveaux logements.

M. Cheraa : C’est un projet qui existe depuis au moins 20 ans. Il y avait plusieurs scénarios. Avant de commencer la réhabilitation, la piste de la « démolition-reconstruction » avait été envisagée, mais nous nous sommes aperçus à l’issue d’études menées, que le bâti en lui-même était en très bon état. Il n’y avait donc pas de raison de détruire globalement.

Ce patrimoine immobilier appartenait majoritairement à une société privée. Poursuivant une logique marchande et basée hors de l’agglomération grenobloise, cette dernière ne l’a pas entretenu, ce qui a eu pour conséquence une forte dégradation et une grande vétusté des immeubles. À l’opposé de cette logique et de l’idée que la ville de Saint-Martin-d’Hères se fait de la gestion de la politique global de l’habitat, des réfections avaient été entreprises dès les années 2000, financées par le Grand Projet de Ville.

Avec le nouveau programme qui s’étend jusqu’en 2027, l’enjeu a donc été la remobilisation de tous les partenaires. En tant que « porteur » du projet, nous avons dû chercher et avons trouvé un bailleur qui a décidé de relever le défi, celui d’un chantier de grande taille et qui représentait un grand risque financier d’entreprise, puisque cela impliquait la réhabilitation de 353 logements.

Mme Laghrour : L’autre enjeu a été de remobiliser les habitants. Depuis plusieurs années, une action en faveur d’une rénovation du quartier était annoncée, sans que cela soit suivi de faits. À travers cette réhabilitation, les élus avaient plusieurs enjeux et objectifs.

L’objectif central était de transformer totalement et durablement ce quartier populaire, avec un enjeu social d’amélioration du cadre de vie et du quotidien des habitants. C’est un secteur qui compte environ 2700 habitants (Renaudie-Champberton), 46 % sont des familles avec enfants, 33 % des personnes seules, 17 % sont des couples sans enfants. Ce qui correspond majoritairement à un public âgé. C’est un quartier avec une population non-active peu qualifiée ou le revenu médian est de 1200 €, alors que le revenu médian des habitants de la ville de Saint-Martin-d’hères est de 1600 €, ce qui représente un écart assez important.

Le but était d’amplifier et d’ancrer dans la durée le projet social et économique, en cherchant à traiter les causes socio-économiques de la marginalisation du quartier, tout en transformant son image et son statut au sein de l’agglomération.

 

2) Quels ont été les principaux leviers nécessaires au développement de la transversalité des actions, pour construire ce projet de rénovation ? Quels ont été les limites des outils auxquelles s’est heurté le projet ?

M. Cheraa : Les leviers sont aussi les limites. Le premier levier a été de trouver des partenaires, le second levier est lui financier ; et là, tout le monde a joué son rôle. Les bailleurs, la métropole, la région, l’état et le département. Ce chantier de grande taille a nécessité de dépasser nos capacités de financement, puisque nous avons été plus loin dans les aides que ce que prévoyait le droit commun. Ce qui a permis à chacun d’intervenir dans la légalité.

Il y a eu également des leviers juridiques. Comme cet ensemble immobilier était une copropriété privée, nous avons dû acheter à l’euro symbolique l’ensemble des espaces extérieurs du quartier, pour les requalifier et les rétrocéder à l’euro symbolique à notre tour.

Pour ce qui est des freins, ils étaient financiers. De fait, cela a conditionné l’offre de prestations proposées. J’ai pour exemple la création d’ascenseurs uniquement dans un immeuble sur deux. Nous n’avions pas la capacité de financer la mise en place d’ascenseurs dans tous les immeubles, mais ça permet également aux habitants, de payer moins de charges.

 

3) Quels sont les enjeux de ce renouvellement urbain en matière d’habitat, de logement et despaces extérieurs dans ce contexte territorial ?

Mme Laghrour : Comme nous l’avons déjà mentionné, les logements étaient vétustes. Il y avait donc des enjeux environnemental et social forts. La consommation énergétique y était importante, et les habitants socialement fragilisés avaient à s’acquitter de factures énergétiques élevées.  La réhabilitation a permis de rééquilibrer les budgets familiaux, et d’améliorer la qualité de vie des habitants.

C’est un secteur où les personnes ne voulaient pas aller vivre et où des attributions de logement étaient refusées. Du fait des réhabilitations des logements et des transformations intérieures des appartements en T2/T3 et T2 à mobilités réduites, nous pouvons mieux répondre aux besoins et avons réussi à faire diminuer le taux d’attributions refusées.

M. Cheraa : En terme de politique sociale et environnementale, ce projet a permis l’installation d’un chauffage collectif et un raccordement au chauffage urbain, qui est entre 85 % et 90 % d’origine bas carbone dans l’agglomération grenobloise.

La ville avait depuis quelques années entamé un fort renouvellement urbain avec le dispositif quartier de la politique de la ville, en démolissant une barre de 80 logements dans le secteur de la plaine, tout en venant reconstruire de l’offre, puisque le besoin est criant dans l’agglomération. Dans le cadre de la politique de la ville sur le quartier Renaudie, la ville a également aidé des copropriétés privées à se réhabiliter.

Nous avons développé une offre de commerce de proximité (épicerie, boucherie, coiffeur, pharmacie) à trente, cinquante mètres des nouveaux logements, à proximité de la place de Champberton qui accueille le plus gros marché de la ville.

C’est un quartier en mutation. Ce qui est important pour la ville de Saint-Martin-d’Hères, c’est bien le changement de perception qu’ont les habitants et les passants de ce quartier. Aujourd’hui, le quartier Champberton jouit d’une bonne image.

 

4) Lors du processus d’instruction du projet de rénovation du quartier Champberton, quels ont été les éléments facilitants (Partenariat, législation) ?  

M. Cheraa : Il n’y a pas eu d’éléments facilitants. La volonté commune et partagée de toutes et tous a facilité la collaboration autour du projet et a permis de surmonter tous les obstacles et ils ont été nombreux. La mobilisation des partenaires a été l’enjeu fort du projet.

Beaucoup d’habitants du quartier y sont depuis quinze, vingt, trente ans, malgré un certain turn-over. Bon nombre d’anciens ont participé aux réunions publiques, il a fallu les convaincre. C’est avec tous nos partenaires présents, dont le directeur général de Pluralis qui a présenté les orientations du projet en tant que nouveau propriétaire de cet ensemble immobilier, que nous avons pu donner une place importante au volet « participation citoyenne ». Nous voulions que les habitants prennent en main le projet de rénovation de leur quartier. Nous les avons accompagnés via le CCAS, notamment pour les personnes qui sont loin de l’écrit et du parler.

À la vue de la longueur des travaux sur un site occupé, il était important pour tous d’avoir une personne référente avec laquelle échanger. Il y avait toujours sur site un conducteur de travaux disponible pour répondre à tous les questionnements. Un logement témoin complètement mis à neuf a été mis à disposition des locataires par le bailleur, un lieu d’accueil ouvert à tous où les habitants pouvaient jouir d’un moment de répit et de tranquillité.

Le but était d’impliquer les habitants le plus possible. Le bailleur a été jusqu’à  mettre en place un crédit de points, permettant de réaliser au choix, la réfection des sols PVC, d’ajouter des prises, de remplacer les faïences murales, les poignées de portes ou de refaire les peintures. Chaque locataire disposait de travaux « à la carte ». Cela a permis d’entretenir une bonne relation avec les occupants tout le long du projet sur un temps long.

Mme Laghrour :  En effet, la mobilisation des habitants tout au long du processus de réhabilitation a été capital. C’est un quartier où existe beaucoup de solidarité. Les habitants ont été partie prenante tout au long du parcours de réhabilitation. Ils ont adhéré au projet, mais comme tout projet citoyen il y a eu des moments d’essoufflement. Toutefois, les services arrivaient à redynamiser les habitants. L’organisation de temps de concertation avec les habitants, et la mise en place, par le biais de la maison de quartier, d’un livret d’accompagnement a grandement contribué à faciliter les échanges.

 

5) Pouvez-vous nous en dire plus sur la politique de la planification, du foncier, de l’habitat et de la construction de la ville de Saint Martin d’Hères ?

M. Cheraa : Saint-Martin-d’Hères est une commune bâtisseuse, bien qu’actuellement en termes d’acceptabilité, ce n’est pas très à la mode. Depuis près de 40 ans, nous défendons dans nos campagnes électorales le thème de l’habitat, qui nous semble essentiel, comment le planifier et l’organiser.

Nous avons une politique d’acquisition du foncier très volontariste, par le canal de finances propres de la ville, porté par la ville ou par l’EPFL (Établissement Public du Foncier Local). Nous détenons actuellement 20 hectares de foncier, dont 16 hectares qui sont publics.

Cette politique nous permet dans des moments de tensions ou le prix du mètre carré augmente de façon importante de pouvoir maîtriser les coûts, puisque nous avons l’habitude de fonctionner par des ZAC (Zone d’Aménagement Concertées).

Nous avons une maxime qui est : « On marche sur les deux pieds ». Nous avons la volonté d’investir des fonds pour empêcher la spéculation foncière, mais nous avons également des logements à réhabiliter. La population de la ville a doublé dans les années 1960-70 et les logements construits à cette époque appartiennent pour un certain nombre, à des propriétaires privés bénéficiant de petites retraites. Il fallait les accompagner pour la réhabilitation de leur logement. Nous avons alors développé des outils tels que l’aide à la pierre, l’aide à la réhabilitation en Mur-Mur pour l’isolation et avons mis en place des mécanismes financiers qui permettent d’aider les copropriétés sous condition de ressources. Dans l’opération de programmation d’amélioration de l’habitat, nous sommes également intervenus sur des problématiques plus lourdes, telles que le chauffage central.

On a aussi une enveloppe pour le foncier, des terrains nus qui permettent des gains financiers.

Côté planification, notre autre maxime est : « Le bon projet, au bon endroit, au bon moment », c’est très important pour nous.

Pour faire accepter les projets aux habitants nous procédons par séquence, c’est pourquoi maîtriser le foncier est important. Pour exemple, nous sommes en fin de ZAC dans l’un des quartiers de la ville, où ont été construits 435 logements en moins de huit ans, ce projet n’a connu aucune résistance de nos concitoyens, comme cela répondait à un besoin.

L’aménagement et l’urbanisme sont au service des habitants et des volets social et environnemental. Nous avons la volonté d’amener les habitants de Saint-Martin-d’Hères à vivre leur ville.

Mme Laghrour : Pour l’habitat, la ville de Saint-Martin-d’Hères, possède 39 % de logements publics, nous avons également sur notre territoire un pourcentage de logement étudiant sur le campus universitaire. La politique de la ville de l’habitat est globale, il y a l’aspect de l’acquisition du foncier, mais également les projets de réhabilitation, la ville de Saint-Martin-d’Hères réhabilite plus qu’elle ne construit. Comme beaucoup de logements sont anciens, nous avons un programme de réhabilitation porté avec la métropole.

Nous jouons un rôle de facilitateur. Nous avons une politique d’accession à la propriété, et nous faisons en sorte de sortir de nos programmes des logements abordables, par exemple pour Champberton, malgré la réhabilitation des logements, les loyers n’ont jamais été impactés, nous maintenons volontairement une politique de prix modéré des logements.

Dans notre approche de construction, nous avons un panel d’innovation. Nous avons construit des habitats intergénérationnels, et nous avons aussi le projet de construire des logements pour des personnes porteuses de handicap psychique.

 

 

Fiche d'identité de la communeLe projet en chiffresPour aller plus loin
  • Nom : Saint Martin d’Hères
  • Département : Isère
  • Région :  Auvergne-Rhône-Alpes
  • Population :  38 666 d’habitants (population  au 01/01/2020).
  • Maire : David Queiros
  • Site internet : Ville de Saint Martin d’hères
  • Plus de 20 opérations pour le secteur Renaudie-Champberton-La Plaine
  • Près de 650 logements privés et publics réhabilités et près de 70 logements construits en accession sociale ou privée
  • Un projet de 39 millions piloté par Grenoble-Alpes Métropole. Porté financièrement par plusieurs partenaires dont l’Anru (Agence nationale pour la rénovation urbaine) pour 1,5 M€, la Région (2,2 M€), la Ville (6,4 M€), le Département (0,4 M€), la Métropole (5,2 M€) et les bailleurs sociaux (Pluralis et l’Opac38) à hauteur de six millions.
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