Tribune commune dans Libération de Ville & Banlieue et du Collectif Pouvoir d’Agir

Journal Libération – 20 avril 2012

 

Pour une politique de la ville moins pauvre et enclavée que les quartiers populaires

Par les maires de l’Association des maires « Ville et Banlieue de France » et les militants du collectif Pouvoir d’agir

Les banlieues ne sont pas une anomalie républicaine. Elles sont frappées de mêmes maux qui secouent l’ensemble de notre société: chômage, précarité, décrochage scolaire, difficulté d’accès au logement, aux soins, aux transports, délinquance. Mais elles les concentrent, de manière excessive, révélant dans leur propre malaise la crise systémique de notre modèle social.

A la veille d’élections nationales, nous, élus, militants associatifs et professionnels, souhaitons rappeler l’enjeu crucial que représentent les banlieues pour l’avenir de notre pays.

Car il n’y a pas de société durable qui laisse les inégalités sociales et territoriales se creuser jusqu’à la rupture.
Car il n’y a pas de démocratie ni de « vivre ensemble » dans une société qui exclut.
Car il n’y a pas de cohésion nationale quand sont stigmatisées et mises au ban les classes populaires.
Car il n’y a plus de légitimité du politique quand, dans certains quartiers de notre République l’abstention est devenue la norme électorale.

Nous refusons pourtant la politique du bouc émissaire: la politique de la ville, trop pauvre, enclavée comme les quartiers qu’elle tendait à ouvrir, n’a jamais eu l’ambition ni les moyens d’empêcher la désindustrialisation, de contrer les effets de la crise financière, de refondre un système éducatif à bout de souffle, de combler les manques du système de santé publique, de résoudre la crise du logement…

Face à la dégradation continue des services publics en matière d’éducation, d’emploi, de santé, de sécurité, de logement, de justice, nous dénonçons l’échec des politiques publiques dans leur ensemble: où est l’égalité d’accès aux services publics? Où est l’égalité des droits? Où est l’égalité des chances? C’est dans ces quartiers qu’a failli la promesse républicaine, dans ces quartier que l’État a renoncé à son rôle de garant de la solidarité nationale.

Nous appelons de nos vœux une société véritablement solidaire qui place l’équité au cœur de l’action publique. La lutte contre les inégalités et contre les exclusions réclame de la République qu’elle renforce sa présence là où sont les besoins. Les quartiers populaires tout comme certains territoires ruraux, ultramarins ou désindustrialisés, nécessitent plus de services publics, des politiques nationales renforcées et une véritable solidarité financière.

Nous appelons de nos vœux une démocratie exigeante. Car l’enjeu de reconnaissance et de dignité des quartiers populaires est au cœur du processus de réintégration sociale de leurs habitants. L’élu n’est pas le seul garant de l’intérêt général: il doit agir pour le citoyen, avec lui. Révolutionnons nos pratiques politiques, professionnelles et militantes pour développer le pouvoir d’agir, encourager une citoyenneté active et redonner du sens au vivre ensemble.

Nous appelons de nos vœux une politique de la ville ambitieuse, ciblée, inscrite dans la durée. Une politique qui se fixe des objectifs stratégiques, les priorise et les évalue. Une politique construite sur la base d’un contrat unique, qui ne soit pas décidé par tous en haut, mais par tous localement. Une politique assise sur un projet de territoire, personnalisée. Une politique qui engage tous les signataires du contrat et associe les habitants, les associations, les bailleurs, les entreprises à son élaboration et sa mise en œuvre.

Ne fuyons pas, n’occultons pas le débat sur l’avenir des quartiers populaires! En banlieue, comme dans le reste de la France, dans la politique de la ville comme dans chacune de nos politiques nationales, il nous faut réinterroger le sens de l’action publique pour réinventer notre modèle de société, pour mieux vivre demain tous ensemble.

Pour l’Association des maires « Ville et Banlieue » de France (AMVBF), qui regroupe 120 maires de toute tendance politique et de toute la France: Renaud Gauquelin, président, maire de Rillieux-la-Pape et Catherine Arenou, première vice-présidente, maire de Chanteloup-les-vignes.

Pour le Collectif Pouvoir d’Agir, qui regroupe de nombreux réseaux de militants associatifs et professionnels agissant dans les quartiers populaires: Jean-Pierre Worms, la Fonda et Pascal Aubert, vice-président de la Fédération des Centres sociaux et Socioculturels de France (FCSF)

Retrouvez la tribune en ligne sur le site de Libération en cliquant ici

Télécharger la Tribune commune