Réforme du collège : bonne volonté mais petits moyens…

Ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem n’a pas voulu se dérober à la promesse de Vincent Peillon et vient de proposer « sa » réforme pour le collège. Une réforme sous hautes contraintes, entre les tenants de la « continuité pédagogique avec l’école primaire » et du « socle commun de connaissances » pour tous, et ceux d’une meilleure préparation au lycée. Une réforme condamnée à respecter la contrainte budgétaire et à ne pas coûter trop cher en enseignants ou « encadrants » supplémentaires. Au point qu’on s’interroge sur l’efficacité ultime des orientations, souvent séduisantes, qu’elle propose.

Des établissements beaucoup plus autonomes
Parler de révolution serait sans doute exagéré, mais l’évolution n’est pas mince : ce sont désormais 20% des heures d’enseignement (soit 20% de la dotation horaire globale) qui seront décidées par le conseil pédagogique de l’établissement, chef d’établissement et enseignants réunis, pour donner un contenu différencié au projet d’établissement et définir « les nouvelles modalités d’enseignement »  proposées. Au total, les modules interdisciplinaires, les travaux de groupes, l’accompagnement personnalisé, l’approfondissement disciplinaire représenteront, pour les élèves, 4 à 5 heures de leur emploi du temps hebdomadaire. Pour les établissements accueillant les élèves les plus en difficulté, cette marge de liberté devrait permettre de mieux ajuster l’organisation des cours aux priorités pédagogiques reconnues par la communauté enseignante.

Une nouvelle réponse pédagogique : l’interdisciplinarité
Autre novation de taille : alors que notre enseignement secondaire repose, plus que partout ailleurs dans le monde, sur une organisation par disciplines, l’interdisciplinarité fera son entrée au collège en 2016 avec les « enseignements pratiques interdisciplinaires » (EPI) proposés de la 5ème à la 3ème : des temps d’apprentissage privilégiant la pédagogie de projet et l’activité des élèves, les travaux en petits groupes, la remise en contexte et le croisement des savoirs, puisque les nouveaux modules devront s’inscrire dans le cadre de 8 grandes thématiques interdisciplinaires : développement durable ; sciences et société ; corps, santé et sécurité ; information, communication citoyenneté ; culture et création artistique ; monde économique et professionnel ; langues et cultures de l’Antiquité ; langues et cultures régionales et étrangères.
Objectifs de cette nouvelle proposition pédagogique : remettre les apprentissages scolaires dans l’actualité des problématiques contemporaines, proposer des travaux moins abstraits aux élèves dont ce n’est pas la forme d’esprit, combattre la passivité scolaire et l’ennui et par conséquent le décrochage potentiel, redonner sens au travail d’équipe des enseignants comme des élèves.

Accompagnement personnalisé : un collège enfin plus soucieux « d’apprendre à apprendre » ?
Même si la formule de Montaigne peut sembler usée à force d’être utilisée, c’est bien de cela qu’il s’agit. Si le collège aggrave les inégalités entre les élèves – d’environ 50% en maths et 100% en français entre la 6ème et la 3ème – n’est-ce pas parce que ceux qui ne suivent pas se retrouvent à la fois « noyés » et « perdus », sans référent et sans tuteur capable de les aider à se remettre à flot ? Pour y remédier, la réforme prévoit trois heures d’accompagnement par semaine pour les élèves de 6e – au moment où de bonnes habitudes de travail en autonomie doivent être prises – et au moins une heure hebdomadaire de la 5e à la 3e. De l’aide en petits groupes pour tous, mais surtout un vrai coup de pouce à l’enseignement de ces fameuses méthodes de travail : organisation personnelle, prise de notes, apprentissage des leçons, révisions… Le tout enfin reconnu comme une priorité, organisé, inscrit dans l’emploi du temps : une façon de répondre aux critiques formulées il y a peu par la Cour des Comptes sur le décalage existant, dans le domaine de l’accompagnement personnalisé des élèves, entre la fermeté des intentions et leur application aléatoire ou brouillonne. Et un pas important vers davantage d’égalité entre les élèves devant la réussite scolaire.

Langues : une réforme en trompe-l’œil ?
Ce n’est pas le domaine d’excellence de notre enseignement  et la réforme du collège devait tenter de proposer un nouveau cadre pour les langues vivantes. C’est chose faite avec l’apprentissage plus précoce de la deuxième langue vivante, que les élèves démarreront désormais en 5ème et plus en 4ème. Cette nouvelle organisation sonnera aussi le glas des « classes bi-langues » et des « classes européennes », qui avaient pourtant largement fait leurs preuves, notamment en REP auprès d’élèves réputés en difficulté, et dans des établissements dont elles avaient largement contribué à relever la réputation.
La question se pose donc : à moyens constants ou en baisse (3 heures hebdomadaires tout au plus) et des méthodes inchangées, supprimant les options les plus probantes au nom d’un égalitarisme sans vrai contenu, la réforme se donne-t-elle une chance réelle de résoudre le problème sérieux qu’est la faiblesse de nos élèves à pratiquer les langues étrangères ? Dommage collatéral : cette orientation ne risque-t-elle pas d’accentuer un peu plus l’image « repoussoir » de certains établissements, qu’aucune offre positive différenciatrice ne viendra désormais sauver ?

Des moyens finalement limités… face à l’ampleur de la tâche
Mais le vrai « révélateur » de la réforme n’est-il pas le budget qui lui sera finalement consacré : « 4 000 équivalents temps plein » pour 7 000 collèges, soit à peine plus d’un demi-poste d’enseignant supplémentaire par établissement ? Les mesures évoquées plus haut – et d’autres comme le relèvement du niveau général en français, l’apprentissage des outils numériques, la mallette des parents – peuvent-elles vraiment être mises en place à si peu de frais ? Et que dire de l’objectif – partagé par Ville & Banlieue – de pouvoir réduire significativement le nombre d’élèves par classe ou par groupe pédagogique là où les difficultés sont les plus fortes ?
Examinée sous la lumière crue des moyens budgétaires affectés, l’on peut craindre qu’en dépit de ses meilleures intentions et dispositions, la réforme du collège ne laisse intacts la plupart des maux dont il souffre aujourd’hui.

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