Réforme des rythmes éducatifs : qu’en pensent les villes de banlieue ?

Un an après sa première réunion sur le sujet et trois mois après la généralisation du nouveau dispositif, Ville & Banlieue a tenu le 9 décembre sa deuxième réunion sur l’aménagement des rythmes éducatifs, pour faire le point sur la mise en oeuvre de la réforme et recenser les points de difficulté sur lesquels interpeller le Gouvernement.

Les modalités

Une organisation à géométrie variable pour la journée et la semaine des enfants
Les villes ont adopté des dispositifs horaires très variables : 1h30 deux fois par semaine à Grigny, 1h tous les soirs à Hérouville-Saint-Clair, 1h30 une fois par semaine à Lomme, ¾ d’heure tous les soirs à Grande-Synthe… Mais la plupart ont choisi le mercredi matin comme 5ème matinée travaillée.
Difficulté signalée : l’harmonisation des heures de sortie des classes maternelles et primaires, complexe mais indispensable, tant le décalage des horaires suscite de confusions et de mécontentement chez les familles.

Partager les locaux : premiers pas d’une culture commune entre l’Ecole et la Ville
Sur le terrain, la mise à disposition des locaux scolaires, et même des CDI, n’est pas toujours facile à obtenir de la part des communes. C’est pourquoi des villes comme Lomme ou Hérouville-Saint-Clair ont élaboré une charte de partage des locaux entre les différents groupes d’acteurs.

La cantine du mercredi : priorité aux enfants inscrits à l’ALSH
Avec le mercredi matin travaillé, il était plus pratique pour les familles d’inscrire leurs enfants à la cantine. Pour des raisons budgétaires, beaucoup de villes ont dû en limiter l’accès de jour-là.

 

Déjà de nombreux acquis

Une offre riche et de qualité
D’une façon générale, les communes ont élargi et intensifié leur offre locale d’activités, développé une approche éducative et non occupationnelle des nouvelles activités périscolaires, impliquant exigence et qualité pédagogique. Enfin, elles ont fortement mobilisé les structures municipales, impliqué leurs services dans un important travail transversal interne.

Des apports positifs… en attendant la véritable évaluation
A Hérouville, on signale « une meilleure qualité des apprentissages ». Lomme évoque un progrès dans la « relation ville/école ». Claire Leconte, qui a mené une enquête sur le sujet, parle d’« une meilleure perception de la vie scolaire ».
S’il est trop tôt pour évaluer les impacts de l’ARE sur la réussite scolaire, il faudrait mesurer ses effets sur la curiosité des enfants, leur appétence pour la culture ou le sport, la parentalité et la relation famille/école, les synergies éducatives…

Enfants, familles, équipes éducatives… la plupart des partenaires sont satisfaits
3 mois après sa généralisation, la réforme semble faire consensus. Auprès des enfants et familles d’abord, avec des taux d’inscription pouvant atteindre 85 à 90% en primaire. Auprès des équipes éducatives ensuite, en dépit de niveaux d’implication très variables d’un site à l’autre.

 

Nos besoins

Des moyens pour accueillir les enfants en situation de handicap
Si l’Ecole a tenu le pari grâce à la présence d’auxiliaires de vie scolaire dans les établissements, l’accueil des enfants en situation de handicap présente une réelle difficulté pour les activités périscolaires parce qu’il n’y a plus d’AVS à ce moment-là et que les encadrants ne sont pas formés en ce sens. Il faudra donc vérifier que les efforts annoncés par la Conférence nationale du Handicap pour mieux intégrer le handicap dans l’ARE seront suivis d’effets.

Attention aux inégalités !
Presque toutes les villes de l’Association ont opté pour la gratuité des NAP… mais elles déclarent des coûts budgétaires induits très importants pour la collectivité, certaines anticipant déjà des économies pour la rentrée 2015.
Ville & Banlieue ne peut donc que mettre en garde sur le risque de voir s’accuser les inégalités entre les communes à l’occasion de la réforme. L’association demande qu’on mesure ces inégalités et leurs impacts. Enfin, elle exige que le Fonds d’amorçage soit pérennisé et les ressources des villes pauvres garanties sur la durée.

Priorité à la formation des encadrants
C’est là un point majeur du retour d’expérience des maires. Les communes s’efforcent de fournir le meilleur encadrement possible aux activités périscolaires, du point de vue quantitatif et qualitatif. Mais l’on fait valoir de toute part que la qualité finale des NAP dépendra de celle des personnels qui en ont la responsabilité concrète : animateurs et encadrants, coordinateurs de sites dont le rôle s’avère décisif pour le positionnement et le fonctionnement des TAP.

 

Questions et perspectives

Trouver une meilleure formule pour les maternelles ?
L’ARE fait l’unanimité pour l’élémentaire mais soulève davantage de réserve pour les maternelles, à cause de la fatigue accrue des jeunes enfants et du brouillage des repères qu’elle entraîne chez les tout-petits. D’où l’appel général à un allègement du dispositif, une simplification, un assouplissement de son organisation pour les enfants et les professionnels.

Rythmes chronobiologiques : aurait-on perdu le cap ?
L’ARE répond-elle aux objectifs que s’étaient fixés les promoteurs de la réforme par rapport aux rythmes de l’enfant ? Ce n’est pas sûr : peu de villes ont réussi à adapter la journée d’école aux pics de vigilance des enfants ; leur semaine n’affiche pas toujours la régularité chère aux chronobiologistes. Paradoxe : la réforme risque d’alourdir le programme des enfants, avec une concurrence d’activités en fin de journée entre les TAP, APC, CLAS et autres clubs Coup de pouce.

Vers un projet éducatif local, global ou de territoire
Si la réforme reste une « réforme des rythmes scolaires », elle oblige à repenser l’ensemble de l’offre éducative des villes à l’échelle de leur territoire. D’où la question primordiale de l’articulation avec les projets d’école. Au-delà, bien des villes de banlieue s’apprêtent à lancer un PEG ou l’ont déjà fait. Quant aux PEDT – condition d’éligibilité au Fonds d’amorçage – pas une ville qui ne veuille en faire le levier d’une réflexion globale sur la continuité éducative entre les différentes structures concernées, pour un projet véritablement émancipateur et démocratique.