Politique de la ville : l’exonération de taxe foncière passe mal

Les collectivités avec des quartiers prioritaires de la politique de la ville espéraient une disposition dans le PLF 2017 permettant une meilleure compensation de l’exonération de taxe sur le foncier bâti consentie aux bailleurs sociaux. Il n’en est rien. La voie parlementaire s’impose désormais.

Pour les collectivités dotées de quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), le PLF 2017 n’est pas un cadeau. Dans le texte initial, rien n’est prévu pour relever le niveau de la compensation des exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties concédées aux bailleurs sociaux en vertu de la loi de finances pour 2015.
Au contraire, la minoration de 21,5 % des allocations compensatrices prévue dans le PLF 2017 – soit le double de celle de 2016 – fait craindre aux élus concernés une nouvelle érosion de la compensation que doit normalement leur verser L’Etat.
Les élus de France Urbaine et de l’association Ville et Banlieue viennent donc de demander au gouvernement de réexaminer un mode de financement devenu à leurs yeux « contre-péréquateur ».

Exonération de 30 % de la TFPB
Leur revendication n’est pas nouvelle. Depuis quelques mois, ils n’ont eu de cesse d’alerter les services de l’Etat sur l’insuffisance de la compensation d’une exonération équivalent à un montant de 30 % de la base d’imposition de la TFPB et sensée permettre aux bailleurs d’améliorer le niveau de qualité de services dans les QPV, notamment dans la tranquillité publique, la participation des locataires, l’amélioration du cadre de vie ou l’entretien du patrimoine.

L’exonération, bénéficiant déjà aux bailleurs installés dans les anciennes zones urbaines sensibles (ZUS), profite depuis le 1er janvier 2016 aux bailleurs signataires des contrats de ville dont le patrimoine est situé dans les 1 500 quartiers prioritaires de la ville.

« Les pauvres paient pour les pauvres »
Or, l’impatience monte parmi les élus concernés qui ne voient pas encore les effets de cette contrepartie financière accordée par l’Etat sur leurs propres ressources : « il faut laisser du temps à une mesure qui n’a que quelques mois » tempère-t-on du côté du secrétariat d’Etat aux collectivités qui a confirmé s’être saisi du dossier.
Mais ce qui fait surtout bouillir les édiles, c’est le faible taux de compensation qui peut varier selon France Urbaine de 30 à 40 % du montant de l’exonération, suite à une interprétation d’une instruction ministérielle du 17 mars 2016, faisant suite à l’article 33 de la loi de finances pour 2016 qui prévoyait un gel du taux de minoration à son niveau de 2014.
C’est cette situation qui fait dire aux deux associations que la QPV est « moins financée par la solidarité nationale que par la solidarité locale », dans la mesure où son coût est supporté à 60 % par le budget local. « Les villes pauvres paient pour les pauvres » s’insurge France Urbaine.

La Cour des comptes entre en jeu
Si jusqu’à présent, les doléances de ces associations restaient encore dans l’antichambre de l’exécutif national, l’entrée en jeu de la Cour des comptes pourrait changer la donne.
Dans son dernier rapport sur les finances locales publié le 11 octobre, la haute juridiction constate opportunément une « forte diminution des attributions de compensation des exonérations des taxes locales, particulièrement celles touchant la taxe foncière sur les logements sociaux ».
Elle recommande en conséquence à l’Etat de « mesurer régulièrement l’efficacité des mesures d’exonérations d’impôts locaux, au regard de leurs coûts pour l’Etat et pour les collectivités locales, et en tirer toutes les conséquences concernant leur maintien ».

10% de compensation à Saint-Denis
Ce coup de pouce sera-t-il suffisant pour faire fléchir le gouvernement ? Philippe Laurent, maire de Sceaux faisait remarquer que toutes les collectivités de banlieue étaient aux prises avec les mêmes problématiques : « Nos compensations plafonnent parfois à 20 % du montant de la TFPB ».
Et Franck Claeys, directeur économie et finances territoriales de l’association France Urbaine, d’enfoncer le clou : « Le taux de couverture des compensations d’exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties s’élève, pour 2015, à 10 % pour les communes de Saint-Denis et du Havre ».
Dans ces conditions, les 40 % définis dans les QPV seraient presque une aubaine en comparaison…

Article vu sur :
La Gazette des communes. Par Cédric Néau, publié le 17 octobre 2016

Publié dans :