Point d’étape sur les nouveaux contrats de ville et les inégalités territoriales

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 Commission « Politique de la ville & Cohésion sociale »
17 février 2016

Point d’étape sur la mise en œuvre des nouveaux contrats de ville
et la lutte contre les inégalités territoriales

Cette seconde rencontre -la première à laquelle Ville & Banlieue participait en tant que membre organisateur s’est tenue dans les locaux de l’Association des maires de France (AMF), sous la présidence de Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse, président de France urbaine et de la commission, en présence de Sébastien Jallet, nouveau directeur de la ville et de la cohésion urbaine (DVCU) au CGET. Devant une soixantaine de participants, parmi lesquels de nombreux adhérents de notre association, représentée par son président Marc Vuillemot, sa première vice-présidente Catherine Arenou, son secrétaire général Gilles Leproust, mais aussi Patrick Jarry (Nanterre), Nadia Seisen (Bagneux), ainsi que des représentants des villes de Coulaines, Hérouville-Saint-Clair, Liévin, Montreuil, Sarcelles, Les Ulis, Vaulx-en-Velin et Vitry-sur-Seine.

Deux grands sujets étaient inscrits à l’ordre du jour de la réunion : la présentation/discussion des éléments connus de l’avant-projet de loi « Égalité et Citoyenneté » et la mise en oeuvre des contrats de ville de nouvelle génération.

En l’absence de texte, c’est Yvon Robert, maire de Rouen, qui a présenté l’avant-projet de loi « Égalité et Citoyenneté » consécutif aux deux CIEC de mars et octobre 2015. En ce domaine, l’intention du Gouvernement est triple : d’abord redonner la main aux préfets dans les « villes carencées » dont les élus refusent d’appliquer la loi ou tentent de la détourner en construisant des EPHAD ou des résidences étudiantes ; ensuite moduler l’obligation en fonction des territoires concernés ; enfin, plafonner la construction sociale dans les secteurs qui en comptent déjà plus de 50%.

Que faire de l’obligation des 25% de logement social pour assurer le maximum de mixité sociale dans les agglomérations ? Face au projet consistant à concentrer l’obligation des 25% sur les secteurs les plus tendus -comptant au moins 50 000 habitants avec une commune d’au moins 15 000 habitants- et à assouplir le dispositif dans les autres territoires, les élus présents se sont montrés assez partagés. Se sont déclarés favorables à ce principe ceux qui observent que le rattrapage triennal s’avère impossible dans bien des communes, ou dans des villes de moins de 3 500 habitants qui devraient réaliser 90% de leur programme de logements en logement social. Favorables aussi ceux qui s’alarment des incidences environnementales d’une politique indifférenciée et réclament, comme le prévoit la loi Duflot, que l’obligation ne s’impose qu’au paysage urbanisé pour ne pas accentuer le mitage des zones naturelles. Face à eux, certains constatent tout de même que « l’on trouve des terrains disponibles partout où l’on détruit des logements » ; que parmi les communes carencées, beaucoup choisissent d’acquitter des pénalités plutôt que de construire de vrais logements sociaux ; qu’enfin, ce serait là un mauvais signal à envoyer au pays et que selon le mot de Marc Vuillemot, « il ne faut pas céder sur l’application des 25% car il en va de l’égalité républicaine ». Yvon Robert le résumera d’un trait : il appartient désormais au législateur de « définir des règles justes pour tous les territoires », avec un enjeu majeur : l’égalité des citoyens devant l’accès au logement dans les agglomérations urbaines.

Une stratégie de bas loyers est-elle viable ? Rappelons sur ce point l’idée initiale, consistant à développer « une offre sociale nouvelle à bas loyers » accessible aux plus pauvres. L’idée est certes jugée intéressante par la plupart des intervenants, mais difficile à mettre en œuvre en raison de la nécessaire sauvegarde des équilibres économiques des bailleurs. Comment, se sont demandés plusieurs orateurs, l’État pourrait-il assurer aux bailleurs une contrepartie au manque à gagner qu’ils consentiraient ainsi dans les secteurs concernés ? Faute de réponse crédible, il existe peu de chances de voir les opérateurs du logement social répondre à cette demande.

Faut-il stopper la construction de logements sociaux dans les territoires qui en comptent déjà plus de 50% ? Pour de nombreux maires de l’association, notamment franciliens, il ne le faut pas car dans l’agglomération parisienne, 89% des habitants sont éligibles au logement social et il serait dangereux de le stigmatiser ainsi. L’on a besoin de logements sociaux neufs pour permettre aux habitants d’effectuer un véritable parcours résidentiel ; et faute de logements sociaux en nombre suffisant, l’on risque de favoriser une ville à deux vitesses, y compris en banlieue, entre les quartiers HLM en voie de dégradation et de paupérisation et les quartiers en accession accueillant les classes moyennes. Le problème semble différent en région, ont fait valoir plusieurs élus, où il s’agit bien davantage de « convaincre » ou de « contraindre » les maires de certaines communes de construire des logements sociaux. La question revient à savoir quel principe, quelle priorité doit l’emporter sur l’autre : la mixité sociale commandant d’abord de rééquilibrer la localisation de l’offre sociale en obligeant à construire dans les secteurs carencés et à arrêter la construction dans les secteurs déjà  majoritairement « sociaux » ? Ou l’urgence sociale du logement des plus démunis, demandant que les élus prêts à assumer cette mission puissent continuer de pouvoir le faire, et reçoivent les moyens financiers, techniques, humains et de services publics nécessaires.
Sur la mise en œuvre des contrats de ville, Sébastien Jallet s’est voulu rassurant pour les villes des trois associations représentées dans la salle.

Où en sommes-nous de la mobilisation du droit commun de l’État et des collectivités, et des fonds européens ? S’appuyant sur le rapport rendu public en 2012 par la Cour des Comptes démontrant que les quartiers de la politique de la ville bénéficiaient moins que les autres du droit commun de l’État, Sébastien Jallet est revenu sur l’esprit de la réforme Lamy, sur les 12 conventions interministérielles signées à l’été 2013 et celle passée avec Pôle Emploi, sur la volonté de reconduire ces conventions pour la période 2016/2020. Il s’est félicité d’un « bilan très positif », expliquant que les conventions avaient abouti à l’ouverture d’une antenne de Pôle Emploi dans la plupart des grands quartiers de la politique de la ville ; que les dispositifs ZSP et REP+ avaient été déployés dans tous les QPV ; et que les représentants territoriaux de ces administrations étaient désormais signataires des contrats de ville. Quant aux fonds européens, il a expliqué que l’affectation des crédits FEDER aux QPV avait déjà dépassé les objectifs initiaux puisque le cap des 11% avait été franchi.
Sur tous ces points, les intervenants de la salle se sont montrés plus sceptiques, déclarant presque unanimement n’avoir pu en mesurer les effets sur le terrain. Gilles Leproust a donc réclamé au nom de l’association « un suivi et un état des lieux détaillé au plan départemental et régional, des engagements annoncés par les conventions ». Quant à l’Europe, il a été rappelé que « la machine à mettre en place localement est trop lourde pour les associations de quartier qui ne peuvent y avoir accès ».

Les crédits de la politique de la ville ont-ils progressé ? Tandis que le DCVU se félicitait de pouvoir afficher une tendance positive (429 m€ au titre du programme 147) dans un contexte de forte restriction budgétaire, plusieurs villes ont déploré « un recul de leurs crédits, y compris du PRE, et des crédits aux associations »… Gilles Leproust a insisté sur « l’accompagnement des cadres sportifs » (et culturels) dans les quartiers : « à l’heure où l’on parle tant de lutte contre la radicalisation des jeunes, il faut avoir conscience que la République passe aussi par l’éducation populaire ».

Le NPNRU a-t-il pris du retard ? Le PNRU I a été clôturé fin 2015 et les protocoles de préfiguration des opérations inscrites au NPNRU sont en cours de signature, avec « un travail de co-construction bien engagé avec Action Logement et les bailleurs », a affirmé Sébastien Jallet. Sur le terrain, se sont demandés plusieurs élus, l’agence ne fait-elle pas preuve d’un « zèle excessif » en multipliant les demandes d’études complémentaires et les annexes administratives ? Il importe de donner une visibilité aux annonces faites au plus haut niveau, a prévenu Ville & Banlieue, faute de quoi les conseils citoyens risquent de susciter davantage de frustrations et de découragement que de mobilisation citoyenne.

Les exonérations de TFPB sont-elles efficaces ? Sans remettre en cause le principe des exonérations fiscales consenties aux bailleurs en contrepartie de leur engagement accru dans la gestion urbaine et sociale de proximité, plusieurs témoins se sont dits inquiets de voir cette intention dévoyée par certains acteurs du logement social proposant « des actions déjà mises en place et financées ». Par ailleurs, plusieurs collectivités ont fait état d’un manque à gagner important, imputable aux exonérations accordées sur les locaux commerciaux. L’État, ont-ils souligné, doit intervenir pour mettre fin à ces dérives et corriger les incohérences des dispositions légales.

Parler à tous les maires de France. Tout en se félicitant de la tenue et de la teneur de la réunion, Marc Vuillemot a dit aussi son regret de ne se retrouver qu’entre maires confrontés au même type de difficultés. « Il faudrait, a-t-il fait valoir, pouvoir interpeller l’ensemble de nos collègues maires, car la restauration de l’égalité républicaine nous concerne tous et nous incombe à tous ». Un message important à quelques mois du Congrès des maires reprogrammé fin mai.

Prochaine rencontre de la Commission tripartite : mercredi 6 avril. A noter dans vos agendas.