Education prioritaire : Les principaux éléments de la réforme

Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education nationale, a présenté, le 17 décembre la nouvelle carte de l’éducation prioritaire, avec la réforme de l’allocation des moyens et la répartition des postes académie par académie. Un triptyque emblématique de la nouvelle justice scolaire dont la ministre se veut le maître d’œuvre. Revue de détail des mesures et des questions en suspens.

Faire reculer le déterminisme social à l’école

Lancée en 1982 par Alain Savary, ministre de François Mitterrand, pour endiguer le mécanisme de la « reproduction » des élites sociales dans et par l’école républicaine, la politique de l’éducation prioritaire a été, concomitamment à celle du développement social des quartiers, l’un des fers de lance de la discrimination positive appliquée au champ des inégalités scolaires. Si l’on en croit les résultats de la dernière évaluation commandée par le ministère, cette politique a donné des résultats contrastés : inquiétants quand on constate que le déterminisme social à l’école, loin de reculer, a augmenté de 33% au cours de ces 10 dernières années ; moins inquiétants si l’on rappelle que ces piètres performances se déroulent sur fond d’aggravation spectaculaire de la crise économique et des inégalités sociales et territoriales qui en résultent ; et que ces moyennes effacent les bons résultats individuels obtenus – élève par élève et classe par classe, dans les établissements en ZEP puis en REP – dont tous les enseignants concernés peuvent aujourd’hui témoigner.
Ce combat difficile, indécis, infini, doit pourtant être mené au nom de la justice et de l’intérêt général. C’est ce flambeau que vient de reprendre, volontariste et pédagogue, et à la suite de Vincent Peillon, l’actuelle ministre déclarant au Monde : « Notre système devrait corriger les inégalités sociales entre les enfants. Ce n’est pas le cas. Pire, l’école les conforte et les aggrave. Or toutes les études le démontrent : un haut niveau d’inégalités scolaire dégrade le niveau de tous les élèves, y compris celui des meilleurs ».

Les 3 piliers de la réforme : refondation pédagogique, REP+, soutien aux enseignants

Contrairement à ce qu’en montrent les médias, qui se concentrent sur la nouvelle carte, la refondation de l’éducation prioritaire se veut d’abord pédagogique car les réussites observées montrent que « c’est principalement dans le quotidien des pratiques pédagogiques et éducatives que se joue la réussite scolaire des élèves issus des milieux populaires ». D’où une attention particulière à la cohérence et la continuité des parcours, traduits dans le référentiel élaboré par le ministère à l’intention des équipes pédagogiques.
Par ailleurs, afin de mieux prendre en compte les difficultés sociales, le périmètre de l’éducation prioritaire sera réactualisé et d’ici la rentrée 2015, les réseaux actuels seront progressivement remplacés par les REP et REP+. Les REP regrouperont les collèges et les écoles rencontrant des difficultés sociales plus importantes que celles des établissements situés hors éducation prioritaire. Les REP+ concerneront les quartiers ou les secteurs connaissant les plus grandes concentrations de difficultés sociales.
Enfin, ce sont le travail en équipe, la réflexion et la formation des enseignants qui seront soutenus dans les nouveaux réseaux. Dans les REP+, les obligations de service des enseignants intégreront le temps du travail en équipe nécessaire à l’organisation de la prise en charge des besoins particuliers des élèves qui y sont scolarisés. Classes réduites limitées à 25 élèves, emplois du temps resserrés et sans trous jusqu’à 16h30 pour tous les 6ème, travail en petits groupes, pédagogies innovantes, indemnités spécifiques, scolarisation des enfants de moins de trois ans… 14 mesures concrètes prioritairement réservées aux REP doivent « faire la différence », qui peuvent se résumer d’une formule : meilleur accompagnement des élèves, meilleur soutien aux équipes, amélioration du cadre d’enseignement (voir détail en annexe).

Les chiffres clés

      – La carte comprendra finalement 1.089 réseaux regroupant quelque 8000 écoles
      – Les effectifs scolaires seront limités à 25 élèves par classe
      – La rémunération des enseignants en REP sera améliorée pour prendre en compte la spécificité de leur
        métier. Ainsi, ils percevront une prime de 1 156 euros par an en REP et 2302 euros en REP+.
        En outre, ils disposeront de 9 jours par an en collège (soit une heure et demi par semaine) consacrés
        au travail en petit groupe, pris sur les cours de l’année, pour aider les élèves en difficulté et renforcer
        les liens avec les parents.
      – Le coût supplémentaire pour le budget de l’Etat est estimé à 350 millions d’euros.

Inquiétudes et protestations contre les « déclassements »

Des mouvements de protestation se sont faits jour ces dernières semaines à Paris, Marseille et Bordeaux, réunis autour du slogan « Touche pas à ma ZEP ». Ceux-ci témoignent à la fois de l’inquiétude des équipes et des parents d’élèves dont les établissements sortent de la nouvelle cartographie – les 10% d’établissements autrefois classés en ZEP, qui ne bénéficieront pas du nouveau dispositif – et des écoles orphelines qui, malgré leurs difficultés avérées, ne se trouvent plus rattachées à un collège REP.
Devant ces difficultés, la ministre a indiqué qu’aucune « sortie sèches » ne seraient effectuée, la ministre a prévu « une clause de sauvegarde pendant trois ans ». Durant cette période, les établissements qui sortent du dispositif de l’éducation prioritaire garderont leurs avantages financiers et fonctionnels. Mais les syndicats d’enseignants craignent que les professeurs ayant amélioré les choses dans leurs collèges et écoles soient pénalisés à terme.

Une réforme plus ambitieuse pour mieux prendre en compte des inégalités sociales et gommer les effets de seuil

Mme Vallaud-Belkacem a assuré qu’elle n’allait «pas laisser tomber» les sortants de ZEP, car elle réforme, aussi pour la rentrée 2015, «l’allocation des moyens», c’est-à-dire la façon dont sont répartis les postes d’enseignants attribués aux établissements scolaires. Avant, tous les établissements «étaient traités de la même façon», «aveugle, indistincte, sans tenir compte de la difficulté sociale», a-t-elle fait valoir.
De fait, la carte de l’éducation prioritaire est devenue au fil du temps hétérogène et peu lisible. Des écoles et collèges qui accueillent un public plus favorisé que la moyenne nationale s’y trouvent encore tandis que d’autres qui font face à des difficultés grandissantes n’y figurent pas. La carte sera donc retravaillée pour être plus juste et pour rester fidèle aux évolutions sociodémographiques, elle sera réexaminée tous les quatre ans, à périmètre constant.
Cette évolution de la carte de l’éducation prioritaire obéira donc à deux principes complémentaires :
      – le principe d’allocation progressive des moyens, qui se développe sur l’ensemble du système éducatif
        et limite les incidences d’une sortie de la carte de l’éducation prioritaire
      – une mesure de sauvegarde concernant les personnels dont l’école ou le collège sortira de l’éducation
        prioritaire : ils continueront de bénéficier de leurs indemnités pendant trois années et verront
        leur mutation facilitée s’ils souhaitent continuer de travailler en éducation prioritaire

Le ministère a conçu une typologie à disposition des recteurs distinguant trois critères –nombre d’élèves, revenu des familles et caractéristiques des territoires, rural ou urbain–, et cinq catégories de communes, de la plus pauvre à la plus riche. A titre d’exemple, dans le système actuel, l’académie de Lille aurait perdu 20 postes en septembre, mais avec le nouveau système intégrant la difficulté sociale, elle en gagnera une centaine (voir la carte jointe).

 

Lien :
Le détail des mesures bénéficiant aux REP

Projection prof/élèves – rentrée 2015